En malgache, la liberté c’est le pouvoir

Article : En malgache, la liberté c’est le pouvoir
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8 octobre 2023

En malgache, la liberté c’est le pouvoir

J’affectionne profondément ma langue maternelle, le malgache. J’aime jouer avec les subtilités des mots, notamment leur polysémie. Et justement, en malgache la liberté et le pouvoir se rejoignent en un seul mot.

Quand on dit « afaka aho » on proclame notre liberté. De même, lorsqu’on affirme « afaka aho, » nous exprimons notre capacité à agir. Ainsi, si l’on me demande : « Es-tu libre demain, et si oui, pourras-tu venir ? » Ma réponse serait sans équivoque : « afaka aho, sady afaka aho« . Je suis libre et je pourrais venir. Je suis libre, et j’ai le pouvoir d’agir.

On va un peu philosopher là-dessus. Parce que si, en mathématiques, le pouvoir équivaut à la liberté, peut-on pour autant affirmer que la liberté équivaut au pouvoir ? Non, cette équation ne tient pas.

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La quête de liberté et la limitation du pouvoir

Je raconte souvent cette anecdote pour illustrer ce paradoxe. À la fin des années 1990 et au début des années 2000, je voyageais à l’étranger. J’en avais la capacité en raison de certains privilèges, même si je n’étais pas riche. C’était un pouvoir qui me conférait une certaine liberté de quitter cette île, qui pour la majorité des Malgaches, était une sorte de prison. Cependant, ma liberté n’était pas totale. Certains pays « fermés » exigeaient des visas et des justificatifs, imposant ainsi des restrictions à mes désirs. À l’époque, en 2000, le monde était moins fermé qu’aujourd’hui.

Un jour, je suis arrivé à l’aéroport international d’Ivato en provenance d’un pays asiatique. Dès que j’ai franchi les portes de l’aéroport, je me suis dirigé à pied vers l’arrêt de bus, portant un simple sac à dos. Il est essentiel de souligner que si vous faites la même chose aujourd’hui à Ivato, en vous postant à l’arrêt de bus situé en bas de l’aéroport, vous ne verrez aucun passager d’un vol international prendre un bus. Ils en ont la capacité, le prix du billet étant de 1000 Ar (20 centimes d’Euro), mais pourront-ils garantir leur propre sécurité ainsi que celle de leurs 40 kg de bagages en soute ? Leur confort ? Leur image ?

Photo by annedavid

Ainsi, si l’on considère que la liberté réside dans l’absence d’emprisonnement, mais que l’on ne peut pas se rendre aux États-Unis faute de moyens financiers, peut-on réellement se dire libre ? Et si l’on est suffisamment riche, célèbre et puissant pour voyager à sa guise aux États-Unis, mais que l’on ne peut plus se promener seul sous les arcades d’Analakely de peur des malfaiteurs, peut-on encore prétendre à la liberté ?

Peut-être est-ce la raison pour laquelle en malgache, nous utilisons le même mot pour liberté et pouvoir, « Afaka ianao. » Tu es libre, mais la portée de ta liberté dépend de ton pouvoir. Si tu as le pouvoir d’acheter ta liberté, parviendras-tu réellement à l’obtenir ?

« Afaka ianao » : suis-je vraiment libre ?

Aujourd’hui, les rues d’Antananarivo et les coins reculés de l’île résonnent d’une multitude de voix, chacune cherchant à donner un sens à la liberté et au pouvoir. Les enjeux contemporains sont complexes, et il n’est pas rare de se demander si la liberté est une réalité pour tous. Madagascar est confrontée à des défis économiques et sociaux qui restreignent souvent la pleine expression de la liberté pour de nombreuses personnes. Les inégalités économiques, l’accès inéquitable à l’éducation et aux opportunités économiques, et les défis politiques sont autant de domaines où le pouvoir et la liberté s’entrecroisent de manière complexe. Est-ce que « Afaka ianao » est une lueur d’espoir, une invitation à penser que la liberté n’est pas une illusion lointaine ? Je vous laisse dessus.

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