Madagascar, pays le plus beau, le plus pauvre, le plus heureux, et puis quoi encore?

Article : Madagascar, pays le plus beau, le plus pauvre, le plus heureux, et puis quoi encore?
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12 février 2015

Madagascar, pays le plus beau, le plus pauvre, le plus heureux, et puis quoi encore?

Dans le monde entier comme à Madagascar, les statistiques et les chiffres prennent le pouvoir. Sondages, classements, data journalisme, indices et autres envahissent le net, les journaux et les médias, les bureaux et les administrations. Mais que sont ces chiffres ? Faut-il leur faire confiance ? Et comment les utiliser ?

photo : Madagascar demography, wikipedia

Des chiffres accablants et des classements loufoques

Sans surprise, les classements les plus récurrents concernent la pauvreté de Madagascar. Selon certaines données, ce pays est parmi les derniers concernant le PIB et le RNB, dans le classement FIFA, etc. . D’autres données indiquent qu’il fait partie des  pays les plus pauvres. Quelle que soit la formulation, ces chiffres sont désespérants. A cela, il faut ajouter les évaluations de la sécurité, de risques sanitaires qui découragent les visiteurs. Il y a les risques élevés pour les investisseurs lorsque les statisticiens calculent les probabilités de crises politiques, sociales. Des perspectives peu reluisantes, en somme.

Mais tant de fois on a pointé du doigt cette vision basée sur des chiffres subjectifs comme le PNB ou sur des estimations basées sur des paramètres non quantifiables qui amènent à des conclusions pessimistes. Ainsi Madagascar était le deuxième pays au risque de coup d’Etat le plus élevé en Afrique en 2014, mais nous l’avons tous constaté, il n’y a pas eu de coup d’Etat. Il y a aussi des classements alternatifs dans lesquels l’île fait bonne figure.

Ainsi, Madagascar serait un pays parmi les plus « happy » de la planète. Et si on vit tous les jours avec les Malgaches; lorsqu’on les voit sourire et on les entend rire à longueur de journée, malgré la pauvreté, on se demande si ce classement n’est pas quand même un meilleur reflet de la réalité. Et voilà que les WCA (World Countries Awards) auraient décerné pour cette année tous ces principaux titres à Madagascar et aux Malgaches :

  • Pays le plus beau du monde : Madagascar
  • Capitale la plus belle du monde : Antananarivo
  • Meilleure cuisine du monde: cuisine malgache
  • Peuple le plus aimable de la planète: les Malgaches
  • Gens les plus drôles et intelligents sur terre : les Malgaches
  • Hommes les plus charmants : les Malgaches
  • Femmes les plus ravissantes : les Malgaches
  • Humains les plus humbles de la planète : les Malgaches

N’est-ce pas pathétique…

Croire ?

Moi, cela fait longtemps que je n’ai plus eu de réaction émotionnelle face aux chiffres sur Madagascar. Lorsqu’on me dit que je suis pauvre parce que je n’ai que 2 dollars par jour dans mes poches, je pense que cela peut me suffire à Madagascar. Et si au contraire, on m’assure que la vie ici est rose, je souris simplement parce qu’il n’est pas difficile de prouver le contraire. Cela fait un temps que je ne laisse plus couler plus mes larmes pour les plantes et animaux que les traitres à la nation déciment à des fins commerciales. Je ne m’étonne même plus qu’un Malgache puisse avoir dissimulé des centaines de millions d’euros en Suisse et « grâce à lui « et d’autres nous sommes à la 92e place d’un autre classement, celui de la honte.

Bien entendu, lorsqu’on fait des statistiques, le résultat est toujours une moyenne, un pourcentage, une courbe, un classement. Il est difficile d’en faire l’interprétation dans la vie quotidienne. Si 80 % des Malgaches sont pauvres, je ne peux pas l’appliquer à mon corps et dire que mon tronc et mes membres sont pauvres tandis que ma tête est riche, si ma tête fait 20 % de mon corps. Et chez d’autres Malgaches, la richesse serait d’autres parties du corps. Ce sont des études faites à partir de données recueillies sur un échantillon plus ou moins large. Aujourd’hui, j’ai 35 ans et je ne me souviens pas avoir été interrogé par des enquêteurs sur mon niveau de vie. Sûrement, il y a des moyens plus discrets de recueillir des informations, mais quand on sait qu’aucun résultat d’élection à Madagascar n’a jamais été contesté, lorsqu’on s’étonne que le gouvernement sorte un taux d’inflation à 6,1 % alors que le panier de la ménagère ne cesse de devenir de plus en plus cher, comment croire que toutes les données qui sont remontés reflètent exactement la réalité ?

Je n’irai pas à dire qu’il ne faut pas croire tous ces chiffres. Il faut savoir relativiser et aussi se dire que ce ne sont que des chiffres, la réalité offre plus de sensations.

Et aussi

Les mauvais résultats ne sont pas des fatalités. Même si, malheureusement, on a pris l’habitude d’entendre les pires chiffres sur notre pays, rien ne dit qu’ils resteront comme tels pour toujours. Alors tout ce qu’il est possible de faire est le bienvenu pour changer les choses. Le contraire, c’est-à-dire, subir la honte à longueur de temps sans broncher, sans vouloir prouver qu’on mérite mieux s’appelle du masochisme.

De l’autre côté, on ne peut pas se satisfaire de classements flatteurs quand on a le ventre vide. Je me souviens d’un ancien slogan d’une entreprise locale qui disait : « Nous n’avons pas de palace, mais notre nature est 5 étoiles ». Bah, ce n’est pas pour autant que je dormirai au milieu de la forêt vierge sans moustiquaire.

Mais on n’a pas besoin de chiffres pour savoir qu’on est bien ou mal dans sa vie. On n’a pas besoin d’envoyer une flopée de jeunes enquêteurs pour savoir que son voisin a besoin de notre aide. Et sauf si on est vraiment très riche, très puissant, il est difficile de voir plus loin qu’autour de soi-même. Alors, il faut faire ce que l’on peut. Et si tout le monde le faisait…

 

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