Vodiondry, le mariage traditionnel malgache

Article : Vodiondry, le mariage traditionnel malgache
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28 juillet 2015

Vodiondry, le mariage traditionnel malgache

Il y a quelques jours, j’ai, pour la première fois, assisté, en intégralité à un mariage traditionnel malgache, le Vodiondry.

Celui de mon petit frère. Comme je n’ai presque pas trouvé de description de cette cérémonie en français sur le web, j’ai décidé de faire ce petit dossier.

De nos jours, le mariage traditionnel fait office de fiançailles pour de nombreux couples malgaches. Mais dans la pratique, c’est le véritable mariage malgache et si beaucoup font l’impasse sur la bénédiction divine et souvent sur le oui devant le maire, il est inconcevable de se mettre en ménage avec l’amour de sa vie sans le consentement des parents, matérialisé par la dot (vodiondry, sens litt. croupe de mouton) et officialisé par le mariage traditionnel, du même nom. Le proverbe malgache, de circonstance, prévient : « Mitari-bady tsy lasa vodiondry henatra eo amin’ny tany ama-monina”. Ce qui se traduirait par : Trainer avec une épouse pour laquelle on n’a pas encore donné le vodiondry est une honte auprès de la société.

Ce clip est un rap de Ganstabab fabriqué à partir des proverbes malgaches autour du mariage pour dissuader les jeunes filles de se mettre en ménage trop tôt et sans le consentement des parents. La fille martèle : « Je vais me marier « et le père répond « non, tu ne te marieras pas ».

Je me souviens qu’il y a déjà plus d’une décennie, j’ai aussi été fiancé de la sorte à ma femme un an avant notre mariage civil et religieux. Mais en ce temps-là, on avait un peu simplifié les choses. En effet, les 2 parties, c’est à dire les familles de la fille et du garçon peuvent, et même devraient, se voir à l’avance pour convenir des dépenses, du déroulement des festivités et surtout des fameux kabary dits am-panambadiana (lors d’un mariage).

Le kabary, un des piliers de la culture malgache est une suite de discours, prononcés en diverses occasions comme les naissances, les décès, les veillées funèbres, les mariages, etc. Il existe le kabary tsy valiana, c’est-à-dire « sans réponse » lorsqu’il est destiné à être dit par une seule personne et qu’il n’y a pas de réponse attendue. Pour le reste, il y a toujours 2 participants, au moins, presque adversaires selon les cas qui se renvoient la parole selon un code établi depuis les temps ancestraux. Véritables joutes verbales entre 2 mpikabary (professionnels ou amateurs du kabary), le demandeur et le demandé, l’attaquant et le « défendeur », le kabary am-panambadiana (kabary du mariage traditionnel) est des plus fascinants.

Pour mon mariage, on avait fait simple, mais ce n’est pas toujours le cas.

Certaines régions, certaines familles de Madagascar qui sont réputées comme étant conservatrices continuent d’exiger le respect à la lettre de toutes les étapes du kabary am-panambadiana. On dit que certains kabary peuvent durer des dizaines d’heures. Et ce qui peut compliquer l’affaire c’est que les 2 familles ne se mettent pas préalablement d’accord de l’issue des « négociations ». Il peut, donc, arriver que la famille du garçon rentre bredouille faute d’avoir « battu » l’autre partie en kabary ou faute de vodiondry (dot) satisfaisante ou faute de consentement des parents ou de la fille demandée.

Comment cela se passe normalement ?

Disons seulement qu’un garçon veut épouser une fille. Ce sont aux parents de ce garçon de demander la main de la fille à ses parents. Mais, disons que les 2 jeunes gens sont déjà des amoureux, des « mpisipa » (flirts) et sont déjà décidés à faire le grand saut. Dans la plupart des cas, donc, on aura des conversations de la sorte dans les 2 familles :

– Papa, Maman, je veux me marier.
– Mon fils, qui veux-tu épouser?
– Soa, la fille du voisin.
– Es-tu sûr de vouloir l’épouser, mon fils?
– Ah! je serais le plus heureux des hommes si je l’épouse.
– D’accord, mon fils, nous allons aller là-bas demain.

– Papa, Maman, Koto le fils du voisin et sa famille vont venir demain
– Ah oui ? Pourquoi faire ?
– Je ne sais pas trop…
– Allez, dis-nous ce qui se passe ma fille.
– Je pense que Koto veut m’épouser.
– Quel Koto ?
– Le fils du voisin.
– Et tu l’aimes vraiment?
– Euh…oui, je pense!
– Qu’ils viennent alors et on verra.

Quand la famille du garçon entre pour la première fois chez la fille, ce n’est pas tout de suite le mariage traditionnel, c’est juste le fisehoana (présentations). C’est là, donc, que les familles acceptent officiellement que les 2 jeunes gens se fassent la cour après avoir bien pris connaissance les uns des autres; puisqu’il faut élucider tous les risques et dire tout de suite si c’est le cas que « … cette fille est ta sœur et ta mère ne le sait pas… », par exemple. C’est aussi à ce moment ou plus tard que commencent les discussions sur la suite des « choses ». On fixe les différentes dates, le nombre des invités, etc.. Et c’est là que je disais que les 2 parties se mettent d’accord sur l’intensité des kabary à faire.

Pour mon cas, les kabary ont été des plus simples. On a fait juste ce qui était essentiel. Ainsi, pour le cas de mon frère, c’était vraiment inédit pour moi d’assister à un mariage traditionnel pendant lequel tout a été fait et respecté à la lettre selon les coutumes malgaches sans pour autant en faire trop. Je n’avais pas apporté un dictaphone ou une caméra, alors je ne me souviens pas de tout. Je ne suis pas spécialiste, non plus, alors je m’excuse déjà si je fais quelques erreurs, mais je me suis un peu renseigné pour compléter cette description.

Le jour du mariage traditionnel, en résumé, il y a les étapes suivantes :

Étape 1

D’abord, les membres de la famille du garçon, généralement les plus proches, arrivent et restent debout dehors sans rien dire jusqu’à ce qu’on les invite à entrer et ne s’assoient pas avant qu’on les invite à s’assoir. C’est la politesse.

La fille à marier n’est pas présente. C’est vrai qu’elle est la raison de toute la cérémonie, mais elle ne doit pas savoir ce qui se passe là. Elle va attendre sagement que son père la cherche. Si cela n’arrive pas, c’est que ça ne s’est pas bien passé. Et si, par bonheur, on vient la chercher, elle ne saura pas (jamais) comment ( et combien) elle a été négociée. Voilà pourquoi la fille ne doit pas être présente au début.

Étape 2

Tout de suite le mpikabary de la famille du garçon, le mpangataka (demandeur, seuls les 2 mpikabary prendront la parole tout le long de la cérémonie) se présente et offre une première enveloppe contenant une certaine somme en tant que « mbay lalana » (demande courtoise de parole). L’enveloppe n’est pas obligatoire. Il expose les raisons d’une telle réunion de famille. Bien entendu, on est là pour un mariage traditionnel. Ensuite, il demande des nouvelles à la famille de la fille.

Étape 3

La famille de la fille, c’est-à-dire son mpikabary, le mpamoaka (celui qui « sort » [la fille]) répond, donc, qu’elle va bien. Il accepte aussi le « mbay lalana », c’est-à-dire qu’il permet au demandeur de parler, ce qui marque la fin du préambule (Fanatsafana). Le préambule est obligatoire dans tous les kabary.

(Je me souviens d’un ami qui s’en est indigné un jour lors d’une présentation de condoléances. En effet, lors des kabary de condoléances, il est de coutume aussi de se saluer de la sorte : – Comment allez-vous? – Nous (en) sommes là! – On vient présenter les condoléances – Merci beaucoup. Pour lui, c’est idiot, voire mesquin de demander « comment allez-vous? » puisqu’on sait déjà qu’il y a un mort dans la maison. Alors, il est juste entré et a dit, à la surprise générale : « On vient présenter nos condoléances s’il vous plaît! »)

Étape 4

Ensuite, vient l’autre partie obligatoire dans tous les kabary, le ALA-SARONA (enlever le couvercle), ALA-TSINY (enlever les fautes) ou AZAFADY (enlever les tabous). Il y a d’autres noms possibles.

Dans tous les kabary, l’orateur doit demander la permission de parler à tout le monde et à chacun. Aux personnes âgées parce qu’ils sont plus expérimentés, aux mères qui nous ont portés dans leur ventre, aux femmes parce qu’elles sont les princesses du ciel et la parure de la Création, aux jeunes parce qu’ils sont la force de la société, etc.

Étape 5

Une fois cette partie effectuée, le mpikabary s’estime en droit de poursuivre la parole. C’est seulement là qu’il effectue les salutations à tous les niveaux. Believe it or not*, après avoir remercié Dieu tout puissant, Andriamanitra Andriananahary, tout le monde pourrait y passer selon le bon vouloir du mpikabary : à commencer par le président de la République Malgache, l’homme le plus honorable de l’île, même s’il n’est pas présent, le premier ministre, les ministres, les députés, les généraux, tous les militaires, les religieux surtout si un prêtre ou un pasteur est présent, le peuple malgache, les femmes, les hommes, les personnes âgées, les jeunes, tout le monde à qui il souhaite paix, prospérité, santé et succès.

Étape 6

Le demandeur, appelons-le ainsi, va ensuite présenter le prétendant qu’il peut mettre en exergue en le sortant de la foule. Il présentera ses parents, ses origines et il demandera à la famille de la fille de se présenter également afin qu’une fois encore, il n’y ait aucun malentendu.

Maintenant, Il va faire les louanges du garçon. Un peu. Beaucoup. Passionnément! Presque à la folie! Il va utiliser des expressions comme

« Ce monsieur est à la fois du taviny et du volony« .

« Taviny » se traduit par le gras, parce qu’autrefois dans la culture africaine et asiatique, le gras était synonyme de richesse. Le « volony », je ne sais pas comment le traduire parce que « volo » a plusieurs sens : cheveux et équivalents (poils, plumes, etc.), couleur et sens figurés (figure, météo, etc.). Disons qu’il fait comprendre de manière subliminale que ce garçon est à la fois beau et riche. Il dira que ce serait une perte pour la fille et sa famille de ne pas accepter ce garçon comme époux, gendre. Mais, en bon malgache qu’il est, il va tempérer en disant que ce n’est pas pour autant qu’il est sûr et certain que l’autre partie va accepter. De toute façon, la fille, telle qu’il en a entendu parler n’est pas non plus une laide, une moins que rien que la famille veut se débarrasser. Et ce n’est pas toujours vrai que « demandes et tu recevras ».

https://www.youtube.com/watch?v=DaV_kJ8tuQQ

Exemple de mariage traditionnel malgache (Vodiondry)

Étape 7

Le mpikabary de la famille de la fille, le « sorteur » si vous aimez cette appellation, va prendre la parole. Si vous suivez bien, la seule fois où il a ouvert la bouche auparavant c’était pour répondre aux salutations il y a 30 minutes ou une heure de cela.

Donc, il va aussi être « obligé » de passer par les azafady et les arahaba (salutations), étapes 4 et 5, lui aussi. Une fois qu’il a obtenu son droit de discourir et salué présidents, ministres, députés et petit peuple, il va demander les fameux « tokim-pitiavana » (preuves/promesses d’amour).

Moi, mes promesses d’amour, je les ai dits moi-même, mais, dans le cas de mon frère, il a délégué cette tâche au mpikabary. Les deux cas sont possibles, mais le sorteur pourra exiger que des mots sortent de la bouche du prétendant. Mon frère, lui, on lui a demandé d’affirmer ses preuves d’amour, prononcées par son mpikabary, par un hochement de tête convaincu.

Étape 8

Ah, les tokim-pitiavana! C’est une source intarissable d’inspiration pour poètes et auteurs. Peut-être que les amoureux se sont déjà dit tout ça en se promenant dans les bois, mais les dire à haute voix devant tout le monde, c’est une autre paire de manches. Et pourtant, il le faudra. Et il y a plusieurs styles. Il y a ceux qui promettent Soleil, Lune et étoiles, monts, vallées et plaines et ceux qui se contentent de promettre amour, respect et bonheur. Il y a ceux qui comparent leur amour à tout et n’importe quoi.

« Je t’aimerai comme on aime une fleur,
car tu en as le parfum et la beauté.
Je ne t’aimerai pas comme on aime les portes,
on les aime, mais on les (re)pousse.
Je ne t’aimerai pas comme l’argent,
car si jamais j’ai faim je pourrai le troquer contre de la nourriture.
Je t’aimerai comme un potiron,
encore frais, j’en mangerai,
déjà sec, j’en ferai une calebasse
et même cassé j’en ferai des pièces pour ma valiha (instrument de musique)
dont je jouerai tous les soirs. »

En tout cas, le demandeur va tout faire pour rassurer la famille sur les capacités du garçon à bien s’occuper de la fille. Il va promettre qu’il va la protéger et lui donner tout ce dont elle aura besoin dans la vie. Ce garçon ne sera pas seulement un mari, mais deviendra aussi membre de la famille de la fille où il fera ses adidy** (obligations) avec entrain et responsabilité. De la même façon, la fille sera reçue dans sa belle famille comme une nouvelle sœur, fille.

Étape 9

Après, et comme pour matérialiser ces preuves d’amour, on offre le vodiondry (dot).

Donc, autrefois partout à Madagascar et aujourd’hui dans certaines familles et régions, il faut vraiment offrir la dot qu’il faut pour espérer avoir la fille. Vodiondry signifie littéralement croupe de mouton, la partie jugée la plus succulente et grasse parce qu’il y a eu un temps où la coutume était d’offrir un mouton comme dot et la partie avant allait à la famille du garçon tandis que la croupe allait à celle de la fille.
On dit que du temps d’Andrianampoinimerina, notre Salomon, Roi Soleil à nous, il a été décidé d’uniformiser la valeur du vodiondry en la changeant en une pièce de monnaie appelée Voamena (litt. : pièce en or au milieu) appelée aussi solom-bodiondry (en remplacement d’une vraie croupe de mouton). Cette pièce n’existant plus, certains offrent des exemplaires de tous les billets et pièces de monnaie qui existent : les billets de 10 000, 5 000, 2 000, 1 000, 500, 200 et 100 ainsi que les pièces de 50, 20, 10, 5, 4, 2, 1, 0,40, 0,20 c’est-à-dire exactement en ariary 18 892,60 s’il trouve encore une pièce de 4 ariary à la banque ou sur les escaliers d’Ambondrona. Mais, les mpikabary préviennent qu’actuellement le cours du vodiondry se situe au minimum vers Ariary 50 000 (environ 15 euros).

Alors, n’insultez pas la famille de la fille avec moins que cela. Il faut marteler lorsqu’on le donne et qu’on le reçoit que ce n’est pas la preuve d’amour parce que la fille n’est pas du tout à vendre, mais c’est le voninahitra ifanomezana (la gloire, l’honneur qu’on se donne). Mais on continue encore à donner du bétail, des terres, des maisons, des voitures, des millions d’ariary pendant des vodiondry aujourd’hui.

Étal d'un vendeur de pièces.
Étal d’un vendeur de pièces (pour les touristes, collectionneurs et futurs mariés)

Étape 10

On peut donner le vodiondry en une seule fois, une seule enveloppe. C’est ce qu’on a fait il y a des années de cela pour ma femme. Mais, on peut le donner en plusieurs fois (plusieurs enveloppes).

On l’appelle, alors, « maro rantsana » ou « maro sampana » (à plusieurs branches). Pour cela, on donne des « Ala fady » (levés de tabou) aux membres mâles de la famille de la fille : son oncle, son frère ou son cousin préféré. Cette « Ala fady » a été depuis longtemps surnommée à tort « Tapi-maso » (œillères), si vous voyez ce que ça veut dire.

Non? si vous ne voyez pas, j’explique le tapi-maso
Les frères ou oncle ont peut-être déjà vu les amoureux se fréquenter auparavant et Dieu sait si les hommes malgaches sont jaloux de leurs sœurs/filles. Si on ne les amadoue pas, ils sont capables de vous « casser la gueule » avant de dire quoi que ce soit. Pour payer leur silence, on offre le tapi-maso.

Ce n’est pas le but de l’Ala fady car là, on est censé être, déjà, au moment du mariage, quoique traditionnel. Là, on est en train de marquer le transfert entre l’amour fraternel/paternel que la fille a toujours partagé jusque-là avec les membres de sa famille vers l’amour envers le mari qui est une tout autre chose. Donc, le « Ala fady » est un vodiondry mais le tapi-maso se donne avant même de fréquenter la fille. Mais comme le mariage traditionnel est devenu les fiançailles malgaches, on a confondu les 2.

Ensuite, on donne des vodiondry, des parts, à la famille de la mère et du père de la fille avant de donner l’enveloppe pour la fille à ses parents. Ce qui fait au total combien d’enveloppes? L’oncle, le frère, la famille du père, de la mère, et les parents de la fille : 5 enveloppes, mais les possibilités sont infinies.

Une fois les enveloppes données, le mpikabary demandeur espère que c’est suffisant et demande maintenant que la fille se montre pour la suite de la cérémonie.

Étape 11

Recevoir cette (ces) enveloppe (s) n’est pas seulement une joie pour la famille, c’est vraiment un honneur. Le mpikabary, le sorteur, va alors faire les remerciements et va dire que vodiondry ou pas, la famille avait déjà accepté de donner leur fille, vu le garçon et sa famille, si belle et respectable et entendu les tokim-pitiavana prononcés tout à l’heure. Ils acceptent les vodiondry, jamais comme le prix de leur fille, mais plutôt comme preuve de cet honneur partagé.

Étape 12

Et c’est seulement là que le père cherche sa fille qui va être conduite au milieu de l’assemblée, auprès de son fiancé. Il arrive que la famille de la fille propose d’abord d’autres filles célibataires qui vont défiler devant le garçon. On demande au garçon si c’est la fille qu’il est venu chercher et il répondra non à chaque fois.

Bon, vous imaginez bien qu’en 1 000 ans de mariages malgaches, il y a bien eu des cas où le garçon tombe amoureux d’une belle petite sœur ou cousine de sa petite amie et qu’il change d’avis à ce moment précis. Alors, cette manœuvre, un peu taquine de la famille de la fille n’est pas sans risque. Mais quand le père arrive avec la fille, la bonne, le garçon ne peut qu’être émerveillé devant cette beauté, bien préparée et parée pour la grande occasion.

Étape 13

On expose à la fille tout le tenant et aboutissant des pourparlers. On lui dit :

« Fille, on a reçu ces gens qui sont venus te chercher. Ils ont parlé, ils se sont présenté, ils ont présenté ce beau et charmant garçon. Il a donné des preuves d’amour et il a offert le vodiondry en bonne et due forme. Tes parents ont accepté de te donner, ma fille« .

Oh, quelle joie pour la fille!

Mais, oui, il est déjà arrivé dans l’histoire que la fille dise non à ce moment précis. Peut-être que le garçon qui est là n’a jamais été son amoureux et qu’elle ne l’aime pas. Dur, dur pour le garçon! Normalement, ce n’est pas les parents qui décident à la fin. Mais il est vrai, aussi, que les cas de mariages forcés passent par ces vodiondry.

Pour le cas de mon frère, j’avoue qu’après quelques heures de discours, j’étais content que l’issue fût favorable, car même si c’était convenu d’avance, les kabary étaient tellement élaborés … et longs que cette finale en apothéose où la fille a répondu « oui » à la question fatidique, est-ce que tu acceptes ? était digne d’une grande pièce de théâtre.

Étape 14

Maintenant, on fait la cérémonie de la bague de fiançailles. C’est le mpikabary demandeur qui la conduit. « Que fait une bague dans une cérémonie traditionnelle? »; diront certains puristes. C’est vrai que les Malgaches ne connaissaient pas l’utilisation de bagues lors des mariages auparavant et après le vodiondry, on passait tout de suite au repas. C’est le repas qui scelle l’union. Mais depuis l’utilisation de la bague de fiançailles, puisque le mariage traditionnel est assimilé à des fiançailles, on procède comme suit :

Le garçon offre un bouquet de fleurs à la fille. La fille fouille le bouquet pour trouver la bague et le garçon le lui met. Il est possible que la bague ne s’y trouve même pas et c’est le garçon qui va le sortir de sa poche ou l’épingler près de son cœur. Ici, le garçon peut dire, en enfilant la bague sur le doigt de sa promise, encore des promesses d’amour.

Il est aussi de coutume pour la fille qui s’est mariée avant une sœur ainée de lui offrir, à ce moment, un saronankarona (coffret en osier, contenant un cadeau).

C’est ici que les kabary se terminent. Pendant le mariage de mon frère, ils étaient 2 mpikabary amis, membre de l’association des mpikabary de Madagasikara qui se sont affrontés.Ce qui explique le haut niveau des débats.

Si vous voulez contacter l’un d’eux, il s’appelle Rado ANDRIANANTENAINA et il a le numéro 00 261 33 14 255 24 ou 00 261 34 16 214 99. Ce n’est pas pour faire de la publicité gratuite, mais le jeune monsieur a tellement bien fait les choses et il délivre même un Certificat pour l’accomplissement d’un mariage traditionnel en bonne et due forme et que peut-être vous aurez besoin d’un mpikabary parce que vous voulez vous marier avec une Malgache, un jour. Je pense que les jeunes mpikabary professionnels ou apprentis, et ils sont nombreux, sont des gages pour la perpétuation de nos us et coutumes.

Étape 15

Enfin, car les ventres commencent à gargouiller, on passe à table. C’est le sorteur qui formule l’invitation. Mais attention, le repas de fêtes est la partie la plus importante de toutes. On l’appelle le « tsy hanin-kahavoky fa nofon-kena mitam-pihavanana« . C’est-à-dire que ce n’est pas un repas pur vous rassasier mais un morceau de viande qui scelle le fihavanana.

Le fihavanana est l’autre pilier de la société malgache qui fait que tous les Malgaches sont une même famille.

Quand c’est possible, on tue un zébu, sinon, il faut un bon repas. Au moins, il faut quelque chose à manger! Parfois, lorsque le couple ne veut pas de période de fiançailles, on offre le vodiondry rapidement le matin avant d’aller à la mairie, avant d’aller à l’église. C’est dans ces cas que du jus et des biscuits ou des bonbons suffisent pour marquer le moment, car le festin attendra les autres cérémonies.

Banquet de mariage
Banquet de mariage

Étape 16

Pendant le repas, on procède à la cérémonie du gâteau. Là, encore, je précise que les Ntaolo (Malgaches d’autrefois, les ancêtres) ne mangeaient pas de millefeuilles ou d’éclairs au chocolat. Il faut faire l’analogie avec le vary tondrahan-dronono sy tantely. Cette recette me fait penser aux petits déjeuners des jeunes Français. Allez! Donnez-moi les fonds et j’en fais le Corn Flake du futur. On cuit le riz avec du lait et du miel en un mélange pâteux, c’est tout. Et on le partage avec tous les invités présents. Mais bon, un bon gâteau aussi c’est pratique.

Je vais parler un peu de la jeune feuille de banane. Autrefois, dit-on, on mangeait sur des nattes à même le sol, comme les Asiatiques que nous sommes. On utilisait des couverts en argile. Mais le riz au lait et au miel, là, on le mettait sur de jeunes feuilles de bananes qu’on a durcies au feu. Après la cérémonie, les mariés emportent la feuille qu’ils ont partagée en guise de contrat de mariage.

Et voici pourquoi le mariage traditionnel est devenu les fiançailles de nos jours.

Les mariés d’autrefois, après cette cérémonie, avaient le droit de se séparer, sans problème tant que la feuille était verte. Ce n’est pas pour autant qu’il y avait des divorces puisque se marier était, vous l’avez compris, assez fastidieux et cher payé. Mettons cela en scène. Les mariés sont, après la cérémonie, partis dans leur maison pour vivre leur nouvelle vie. Mais après quelques mois, il y a une grande dispute ou mésentente. Celui ou celle qui se sentira lésé(e) va, alors, sortir la feuille de banane en témoin et dire « cette feuille n’est même pas sèche que déjà tu me trompes avec un (e) autre« , par exemple. Le souvenir de la cérémonie, évoqué par cette feuille fera réfléchir l’autre, sinon, il y aura séparation.

De la même manière, de nos jours, on peut rompre des fiançailles et c’est beaucoup moins préjudiciable tant qu’il n’y a pas eu de mariage civil et religieux.

Voilà, c’est le déroulement, en moyenne, je dirais, d’une cérémonie de mariage traditionnel malgache, plutôt de ma tribu. Je m’excuse (azafady) si j’ai fait des erreurs ou omissions. Je rappelle que je n’en suis pas spécialiste. C’est sûr qu’il y a des variances dans toutes les régions, familles et confessions. C’est aussi certain que cela va évoluer encore plus dans le temps. J’espère que ça ne va pas se rallonger. Ce qui est sûr c’est que le prix du vodiondry augmentera en valeur, alors, je vais devoir travailler dur pour marier mes 5 fils. N’y pensons pas tout de suite quand même. La bonne nouvelle, c’est que cette coutume perdurera pour longtemps encore.

* Believe it or not : Croyez-le ou non
** la société malgache est régie par les 3 pierres qui forment le foyer (du feu) : le fihavanana, c’est-à-dire la famille, tous les Malgaches sont une même famille, les adidy, les obligations et les fady, les interdits.

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