Difficile de passer de la tradition orale à l’ecrite
Beaucoup de proverbes malgaches sont le sujet de débats. Cela concerne l’orthographe et par conséquent le sens des mots et des expressions.
Au lieu d’essayer de résoudre ces débats, je vais faire une illustration en remettant en cause une proverbe bien connu.
Quelques exemples
Voici déjà quelques exemples de proverbes dont l’ecriture ne fait pas l’unanimité :
« Mamerina indroa manantitratrantitra » ou « mamerina indroa manana ny antitra »
Est-ce que passer une couche c’est radoter ou bien ça permet d’avoir une couleur plus vive (peinture)?
« Ady voamangan’i Kirijavola » ou « Adin’i Vaomanga sy Ikirijavola »
La suite est « ny masony no tindronina aloha »(tout de suite, il crève l’oeil ». Mais est-ce une image de la façon dont Kirijavola déterre la patate douce (voamanga) ou bien sa technique de combat contre Vaomanga? (Un boxeur traditionnel ou pourquoi pas un coq).
« Tendrom-po » ou « tendrim-po tsy mba namana? »
Dans les 2 cas, on ne peut pas s’y fier. Mais s’agit-il des « pointes du cœur » ou des « choix du cœur »? Ma grand-mère ôtait par précaution un bout du cœur des animaux qu’elle préparait en cuisine.
Et des expressions et adages ambigus il y en a pléthore en malgache. Mais nous allons faire notre démonstration avec un proverbe bien établit.
Notre cobaye
« Ny adala no toa an-drainy »
Littéralement, il se traduit par « l’insensé est celui qui est comme son père ». Communément, il est admis que ce proberve signifie que celui qui ne réussit pas à dépasser son père, à faire mieux que son prédecesseur ou se contente de reprendre ses activités est un insensé. Mais cela est vrai, seulement si on accepte cette façon d’ecrire la phrase.
En effet, « toa » est un mot qui signifie « pareil ». Il est logique de comprendre que dans une société malagasy où l’on promeut le travail et la possession, on exhorte les garçons à devenir plus riches que leurs pères. Dans certaines régions, les parents ne laissent aucun héritage mais tout ce qu’ils possèdent sont dilapidés pendants les funérailles et s’ils avaient 100 têtes de zébus, 100 paires de cornes orneront leur tombeau. Cela fait que l’enfant repart de 0 pour faire mieux que ses prédécesseurs.
Puis, même si l’expression « toa an’i » est utilisé comme comparatif, c’est rare. À la place, on dit « ohatra an’ialahy ihany izaho » (je suis comme toi). Ou bien, on dit « toy » mais pas « toa ».
- En effet, « toa », en général, signifie « on dirait ». Par exemple, « toa matory ianao izany » se traduirait par « on dirait que tu dors ». Et de ce fait « Ny adala no toa an-drainy » devient « C’est l’insensé qui est on dirait son père ».
- Et puis, « an-drainy » si on enlève du contexte signifie à 99% « à son père ». Ce qui donne « on dirait que l’insensé est à son père ».
- Il y a aussi les homonymes de « toa ». En premier, il y a « to » qui est la racine de « mankatò » (obéir). Ce qui nous donne : »ny adala no tò an-drainy » ou « L’insensé obéit à son père ».
- En second lieu, il y a « toha- » , contraction de « tohana » (obstacle) qui nous permet d’obtenir « ny adala no tohan-drainy » ou « l’insensé est un frein pour son père ».
- Enfin, avec l’altération des siècles qui passent, on pourrait penser que l’original aurait pu être « ny adala no tohin-drainy » qui signifie l’insensé fait suite ou succède à son père.
Vous voyez qu’une différence minime à l’écrit peut transformer radicalement le sens tout en restant à peu près potable. C’est pour cela qu’il est difficile de se mettre d’accord sur l’écriture de certains proverbes anciens.