L’ordre de grandeur dans les voyelles malgaches

Article : L’ordre de grandeur dans les voyelles malgaches
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7 juillet 2017

L’ordre de grandeur dans les voyelles malgaches

J’ai remarqué que les voyelles, dans la langue malgache, forment, en général, un ordre de grandeur dans les noms, les verbes ou les adjectifs. C’est une sorte d’onomatopée mais pour deviner la taille, la masse ou l’énergie d’une chose. C’est un avis personnel mais vous allez voir qu’il tient pas si mal la route.

Du plus petit au plus grand jusqu’à l’exagéré

Avec cet intertitre, je vous montre déjà qu’au moins dans cette phrase, la langue française aussi utilise la même échelle. Donc, à mon avis, les voyelles malgaches suivent cet ordre du plus petit au plus grand :

i (ou y), o (prononcé ou), a et e (prononcé é)

Remarquez déjà que « kely » et sa traduction française « petit » utilisent les mêmes voyelles « e » et « i ». En anglais ce serait « little » et en italien « piccolo« .

La voyelle i ou y en terminaison

La voyelle « i » a toujours représenté ce qui est petit. Dans l’alphabet grec, le iota est une petite lettre que Jésus a mentionné pour dire qu’aucune lettre, « même pas un iota » ne bougera de la loi jusqu’à la fin des temps. Les français ont pris cette expression « ne pas bouger d’un iota » pour dire que cela ne bouge pas du tout.

Dans la phonétique, « i » , voyelle fermée antérieure non arrondie, se trouve aux extrémités des phonèmes en étant la plus fermée et la plus antérieure. Et comme la langue malgache n’a pas de « u », donc pas de voyelle fermée postérieure, on peut dire que tout ce qui est petit, peu en malgache est souvent en « i ».

vitsika = fourmi
bitsika = chuchotement
vitsy = peu nombreux
Ankizy = enfant

« i » est la voyelle des touts petits rikiki

La voyelle a

Elle qui, phonétiquement est à l’opposé de « i », exprime souvent ce qui est grand, haut, beaucoup.

Lava = Grand (taille), long
Avo =Haut
Maro = Beaucoup
Laza = célébrité
Tabataba = acclamations

Je dirais que le « a » n’est pas exagérément grand mais plutôt grand dans la norme, accompli. Je pense que le mieux pour l’illustrer et d’utiliser quelques mots argotiques. Par exemple, on a le mot « kinkina » qui signifie « être en banqueroute » et à l’opposé on a les mots « kala« (argot. 200 Ariary), « kata« (argot. être sur le 31), « tafa » (argot de « tafita« , être sorti d’affaire), pata (argot. dérivé de patron) qui expriment plus ou moins la richesse.

Faites aaaah!

 

La voyelle o

Je dirais que « o » se trouve entre « a » et « i ». Elle, qui est prononcée comme « ou », est la voyelle entre celle à la bouche fermée (i) et l’autre grande ouverte (a). Souvent, elle est dans les mots qui expriment soit ce qui est, soit un peu au-dessus de « i », soit un peu en dessous de « a », soit pile dans la moyenne :

Antonony = moyenne
Zatovo = jeune
Mora = lentement, doucement
Monja = seulement (atténuation)somary = un peu (atténuation)

Le « o »

La voyelle e

Et la voyelle « e » prononcé « é » se trouve au-delà de « a ». Souvent, c’est très, voire exagérément, grand, gros. Pour expliquer cela, prenons le mot « be ». C’est un mot qui, placé devant ou derrière un autre va l’amplifier. Par exemple si fotsy= blanc, fotsy be = très blanc; si mafana est chaud, mafana be = très chaud. Si mony= est une un bouton d’acné, be mony est en être plein. Si loha et la tête, be loha est en avoir une grosse. D’autre exemples :

Lehibe, ngeza = Grand
Mivelatra = étendu
Rehaka, dedaka, hevoka = fier, vantard (fig.)
Rapeto = Nom d’un géant légendaire malgache

Allons plus loin!

Il y a beaucoup de mots malgaches formés de deux syllabes. Souvent, on ne voit pas de lien entre des mots utilisant les mêmes consonnes mais parfois, justement, en gardant les consonnes mais en changeant les voyelles, on obtient des nuances sur un même sens. Par exemple, avec r et n, on a des mots autour de l’eau : rano (eau, étendue d’eau), riana (cascade), rony (soupe). On a aussi « reny » (mère) qui est la « loharano nipoirana« , source de vie.

Mais pour bien illustrer l’ordre de grandeur, on va utiliser v et t ou, inversement t et v. On a :

Vity (dialecte) = jambe
Tovo =jeune
Vanto(tra)* = qui est grand mais apparemment immature
(Be)vata (dialecte) = ngeza = grand ou (va)venty = gros

*en malgache, la majorité des mots se terminent avec -ka, -tra ou -na. Souvent, ajouter une de ces terminaisons facilite la diction, sans changer le sens.

Avec t et v, on a d’autres mots relatifs au corps humain comme vata(na) = corps, tavy (graisse), veta (vice, sexe). si on ajoute une lettre, on peut avoir vatsy (provisions, vivres pour un voyageur), votsy (cor), vonto (enflure), etc.

Avec tout ça, on peut fabriquer des allitérations avec nos 4 voyelles  i, o, a et e et la photo de ces 4 personnes :

  • Izy dia ankizivavy kely batitika kely sy mahafatifaty mihitsy. (Elle, c’est vraiment une toute petite fille toute mignonne), à lire avec une petite voix
  • Tovolahy mbola tanora roa amin’ny folo taona kosa ny faharoa. (Le deuxième, par contre, est un garçon encore jeune de 12 ans)
  • Rangahy lava sady ranjanana no manan-kaja ny alohan’ny farany. (L’avant dernier est un homme, grand, fort et honorable)
  • Vehivavy efa lehibe sady vaventy no tena meva ny fahaefatra. (La quatrième est une femme mure, corpulente et charmante.

Encore plus loin

La démonstration par l’absurde est amusante surtout pour les malgachophones. C’est à dire que pour nos oreilles, si on intervertissait les voyelles, cela sonnerait bizarre. Par exemple avec les précipitations (météo), on a erika =crachins, orana =pluie et orambaratra =orage. La langue malgache s’est façonnée pendant des siècles. Si on n’a pas respecté, un tant soit peu la logique de ma théorie, on aurait dit aujourd’hui :

– Manao ahoana ny andro ao ivelany ao? (Quel temps il fait dehors?)
– Misy erakeraka kely (Un peu de crachan, le a à la place du i)

Cela ne peut pas marcher. Même que « era-ny », en malgache signifie « plein ». De même :

– Manao ahoana ny andro ao ivelany ao? (Quel temps il fait dehors?)
– Orimbiritra be (Un grand orige, le i à la place du a)

Vous voyez que cela ne peut pas marcher. Même en français, c’est la même chose.

Voire un peu trop loin

Je me suis amusé à prendre les mots désignant les stades de la vie dans la langue malgache :

zaza = (bébé)
(an)kizy = enfant
(mpi)tovo = jeune
manto(anto) = litt. pas encore bien cuit, se dit des jeunes pas murs (cuit et mur signifient tous « masaka » en malgache)
(ta)nora = jeune
lehi(lahy-vavy) = homme, femme
(an)titra = vieux
maty = mort
raza(na) = esprit

On peut laisser tomber « manto » et si on enlève les préfixe et suffixes entre parenthèses, on a :

zaza, kizy,tovo,nora,lehi,titra,maty,raza

On va pondérer les voyelles conformément à notre théorie, c’est à dire, on va leur donner des valeurs :

i=1, o=2, a=3, e=4

On aura un poids pour chaque mot. Par exemple zaza a 2 « a », donc, son poids sera 2×3=6. Ainsi, on a :

zaza = 6
kizy = 2
tovo =4
nora = 5
lehi = 5
titra = 4
maty =4
raza = 6

Et si on construit une graphe à partir de ces données cela donne :

Cycle de vie selon les voyelles

 

Je ne sais pas vous, mais pour moi, cela montre bien que chez les malgaches, les bébés sont très importants, les enfants moins, et puis la valeur augmente au fil des temps avant de décroitre un peu avant la mort. Après la mort, du moins pour ceux qui croient aux ancêtres et qui en viennent à les vénérer comme des dieux, cette valeur remonte très haut. Et pour ceux qui croient à la réincarnation, tout recommence avec la même valeur entre l’ancêtre et le nouveau-né (6).

Conclusion

La voyelle « i », qui se dit en fermant (presque) la bouche est l’image de ce qui est petit tandis que « a », qui incite à l’ouvrir en grand est comme, il se prononce, la voyelle de tout ce qui est grand. C’est vrai dans une partie du vocabulaire malgache comme dans d’autres langues. C’est sûr qu’il y a des exceptions mais, en tout cas, dans certains cas, la logique est respecté et cela montre toute une philosophie des voyelles.

 

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