Bonne année (nouvel an malgache) quand même!

Article : Bonne année (nouvel an malgache) quand même!
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20 mars 2015

Bonne année (nouvel an malgache) quand même!

Tratry ny Asaramanitra (Bonne fêtes) quand même! Bonne année, Joyeuses fêtes du nouvel an malgache (Asaramanitra, Alahamadibe, Fandroana, etc.). En effet, aujourd’hui, c’est le nouvel an malgache mais malheureusement, ce n’est pas vraiment la fête. Je me pose des questions.

Photo à la une : Afindrafindrao, la danse d’ouverture par Rabetsihala

Quel nouvel an?

Je ne peux pas dire quelle année nous sommes dans le calendrier malgache. En effet, il n’y a pas ce décompte des années. Peut-être qu’au début, ou quelque part dans l’Histoire, il y avait bien un compte des années qui passent mais lorsque l’utilisation même du calendrier a failli se perdre à jamais, il ne faut pas trop espérer, non plus. Mais comme dit la page wikipedia sur le sujet, la fête du nouvel an est en résurgence ces derniers temps, c’est déjà ça. Le calendrier malgache est, donc, lunaire comme le calendrier chinois ou d’autres dans ce cas. Le nouvel an est déterminé chaque année selon la date de la nouvelle lune précédant l’équinoxe du 21 Mars. Cette année, c’est tombé le 20 Mars.

Ce calendrier malgache n’a pas été inventé par les malgaches en observant le ciel, les astres, les cycles des planètes. Il faut rester humble et se remémorer que ce qu’on avait avant l’influence européenne et surtout la colonisation par la France, on les a reçu en héritage des migrations et échanges avec les civilisations qui ont fabriqué Madagascar : l’Asie, l’Arabie, l’Afrique et l’Europe par les navigateurs portugais. Il suffit de rapprocher les mois malgaches avec les mois arabes pour comprendre que ce sont des arabes qui nous ont appris à compter les jours de l’année. On peut seulement dire qu’il est antérieur au calendrier grégorien qui est officiellement en vigueur actuellement. Pour des raisons pratiques, on ne va pas l’adopter en remplacement du grégorien puisque dans la mondialisation, on se retrouverait isolés. Même si on est le plus affirmé des nationalistes, ce serait idiot de revendiquer une grande place pour ce calendrier malgache. Le retour à l’Ariary, en comparaison,  était un coup de communication et financier assez habile profitant d’un élan de nationalisme en sortie de crise de 2002 pour diviser la monnaie par 5 avec l’augmentation logique du coût de la vie qu’on a tous vécu en conséquence (comparable au passage à l’Euro en France). Et pourtant, les malgaches n’ont pas, non plus inventés la monnaie. Pour moi, le Franc malgache (Iraimbilanja) était aussi malgache que l’Ariary (nom probablement dérivé du portugais « real »). La Zone Franc, on l’a quitté déjà en 1972.

Quel valeur donner au nouvel an malgache?

Du symbolique, surement mais pas seulement. Les calendriers lunaires sont, par exemple, beaucoup plus efficaces dans l’agriculture et Madagascar est composé à 80% d’agriculteurs (selon la légende). Tu ne peux pas dire, « je vais semer mon riz tous les 17 octobre de chaque année (au hasard) » qu’il pleuve ou qu’il grêle.  Mais avec une bonne connaissance des phases de la Lune, tu peux déterminer les bons moments pour faire les choses. En malgache, cela s’appelle : « fanandroana » qui est, depuis toujours, mal traduit par « astrologie ». Les mpanandro (ceux qui exercent le fanandroana) sont, donc, des astrologues et selon les religieux et autres scientifiques, ce sont des charlatans, des sorciers, des démoniaques. Et pourtant, jusqu’à ce jour, les malgaches continuent à consulter ces érudits et même la plupart d’entre nous savons toujours regarder les phases de la lune avant de désigner un jour de fête (mariage, réunion de famille) pour éviter la pluie, par exemple. Car oui, il y a l’astrologie dans le fanandroana, celui qui dit que tous ceux qui sont nés en Janvier ont des points communs, (ce que j’accepte, déjà puisque tous sont nés en janvier) et qui prédit les destins des gens (ce qui m’est moins acceptable). Et il y a le fanandroana qui fait de l’astronomie,  de la météorologie, de la géologie, etc. et qui, sommes toutes, représente la science du temps des Ntaolo (ancêtres) et ce serait une perte pour nous, malgaches, de les jeter comme des détritus.

Sacrifice du zebu, photo Rabetsihala
Sacrifice du zebu, photo Rabetsihala

Je disais, donc, qu’il y a beaucoup de symbolisme dans cette résurgence du nouvel an malgache. Cette fête montre une envie de retrouver des valeurs perdues, une identité qui se perd et peut-être une nostalgie des gloires passées.

C’est là que les détracteurs trouvent les arguments pour dénigrer le nouvel an malgache. Pour certains, comme je l’ai déjà expliqué plus haut, ce serait une fête païenne, une hérésie et leur situation de bon chrétien, ou bon musulman, leur interdit toute participation. On peut les comprendre lors des manifestations où l’on honore les ancêtres avec des sacrifices rituels. Pour d’autres, il s’agit d’une fête pour certaines catégories, castes, qui veulent revenir du temps des clans et des royaumes. Dans le récurrent conflit de génération, bien entendu, toute fête traditionnelle est considéré comme un « truc » de personnes âgées qui ne peut pas intéresser les jeunes.

Mais si l’on veut polémiquer, on peut toujours trouver des raisons pour ou contre. On dira que c’est pareil pour la Saint Sylvestre et le 01er janvier. Certains y trouvent une occasion pour un nouveau départ et y vont de leurs bonnes résolutions. D’autres en profitent pour faire les pires folies de leurs vies puisque comme dans beaucoup de fêtes, il y a alcool, drogues, sexe et bagarres à profusion. Il y en a qui choisissent cette date pour se marier pendant que d’autres se suicident. Et pourtant, à bien y voir, ce sont 2 jours qui se ressemblent. A minuit, il n’y a pas de flash dans le ciel ou de voix divine qui proclame le nouvel an, c’est juste une page de l’agenda qui se tourne.

Bref, le nouvel an malgache doit être un choix qui se pose, sans s’imposer. C’est au malgache de savoir s’il a envie ou non de marquer l’évènement puisque tant que quelques personnes continuent à garder l’Alimanaka (Almanach) malgache, le mois de l’Alahamady viendra tous les ans.

Quel avenir pour cette fête?

Exposition Tsinjo Dia au Tahala Rarihasina, photo Layandri
Exposition Tsinjo Dia au Tahala Rarihasina

Le nouvel an prend de plus en plus de place chaque année et ce depuis quelques années. Cette année, des manifestations sont prévues notamment au Tahala Rarihasina Analakely. Ce 20 Mars, une longue marche est organisée. J’imagine que dans quelques années, ce sera une date incontournable dans la vie des malgaches. Mais je le dis, ce ne sera jamais un vrai nouvel an sans jour férié.

Je me souviens qu’il y a eu une période dans ma jeunesse ou je voyageais beaucoup à Singapour. C’est une île située dans une zone très chaude et comme dans les villes côtières malgaches les affaires là-bas commencent tard, vers 9-10 heures du matin mais continuent jusqu’à très tard le soir. Mais ils travaillent, beaucoup. Sauf qu’ils ont beaucoup de jours fériés. Justement, tous les « nouvel an » pour toutes les communautés composant la population de Singapour sont fériés ainsi que les fêtes religieuses des confessions présentes. Moi, j’ai cette triste conclusion : le nouvel an chinois est férié dans un pays en dehors de la Chine mais le nouvel en Malgache n’est pas férié dans le pays des malgaches.

Je pense qu’on peut, vraiment, faire mieux pour notre nouvel an à nous. Il faut, pour cela donner plus de dimensions à ce jour. Si l’on se cantonne à parler de valeurs ancestrales, d’identité malgache, cela restera un évènement élitiste. Référons-nous, encore, au nouvel an chinois. C’est devenu une fête planétaire, où l’on danse, on s’offre des cadeaux, etc grâce aux chinois répartis dans le monde mais aussi parce que de plus en plus de non-chinois y participent. C’est une façon de répandre leurs valeurs, aussi, ne l’oublions pas. Alors, pourquoi les malgaches ne feraient-ils pas des méga-fiestas partout dans le monde pour que le monde entier sache que c’est le nouvel an malgache?

Je rêve, ou pas. Mais c’est mon idée, quitte à fêter le nouvel an (même malgache), faisons une vraie fête, quoi! Mais aujourd’hui, on est tous au boulot et à l’école, comme un jour normal… Bonne année quand même!

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