17 avril 2014

Parlons musique!

Hier, j’ai assisté à un concert de musique classique à l’Institut Française de Madagascar à Analakely. C’était un concert gratuit organisé par l’association Madagascar Mozarteum. Une association qui fait la promotion de la musique classique auprès du public malgache via des concerts dont le désormais célèbre Concert Classique de Midi.
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Le pianiste s’appellait Herimanitra RANAIVO et il a interprété à merveille deux sonates, accessibles, selon lui, de Beethoven. C’était un excellent concert et accessible est bien le mot car je connaissais bien une des deux sonates : la Pathétique. Sinon, écouter du Beethoven exige au moins … du courage.

La musique classique, la Grande Musique, j’en parle comme ça mais n’allez pas croire que c’est quelque chose de bien développé chez nous. C’est vrai que de plus en plus de jeunes s’intéresse à apprendre à jouer au violon. C’est même devenu la mode. Mais ça servira à quoi d’avoir 1000 premiers violons? dites-mois…

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Les troupes de « mpihira gasy », fanfare, musiciens, chanteurs et théatre ambulant(image ci-dessus) font des tournée dans les régions rurales avec de nouveaux spectacles, sans partitions
Le problème c’est qu’on n’a pas de vision globale pour développer la musique dans notre pays. Il y a les écoles qui ont intérêt à draguer le maximum d’élèves. Il y a aussi les associations qui font la promotion de la musique. Il y a des festivals de renommée internationale comme le MadaJazzcar, Donia, etc. Bref, beaucoup d’initiatives privées mais, en général, on ne ressent pas l’impact car il n’y presque pas de professionnels de la musique. A l’instar des sportifs, la majorité des musiciens malgaches ont leur boulot principal ou doivent enseigner.

On peut déjà parler de la musique classique qui est une musique qui coûte cher. Une flute traversière, de fabrication asiatique, coûte dans les 500 000 Ariary, c’est à dire 5 fois le SMIC. Un excellent violon local coute dans les 300 000 ariary (100 Euro), un peu moins qu’un violon asiatique pour l’apprentissage. Autant dire que c’est pour les plus aisés d’entre nous sans compter les frais de cours assez élevés quand on pense que dans certains pays, par exemple, les cours de musiques sont obligatoires (et gratuits) en primaire et en secondaire et qu’on peut obtenir un Bac dans ce domaine.
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Pourtant, même la musique locale n’est pas mieux nantie.  Nous avons aussi quelques écoles, mais surtout des cours de musiques dans les ruelles des grandes villes. On a  aussi des fabricants d’instruments traditionnels et de très bons musiciens.

Mais pour gagner de l’argent en « faisant » de la musique malgache, il vaut mieux faire de la pop ou du rock (ou du pop rock, donc). Sinon, il faudra faire dans ce qu’on appelle le « tropical », qui aime utiliser les rythmes endiablés et répétitifs et hypnotisant qui peut mettre en transe n’importe qui. Avec un peu d’alcool et des filles qui se déhanchent, vous savez où tout cela mène.

On peut aussi faire dans l’original, se mettre des accoutrements anachroniques et chanter  ce qui serait la vraie musique malgache. Oui, dans ce domaine, on a de beaux représentants qui cartonnent à l’étranger dans la World Music mais la seule objection que je ferais c’est que Madagascar est tellement plus riche que ça. Il ne faut pas que les étrangers croient que ces quelques albums très colorés et très chaleureux peuvent résumer la Grande île, musicalement. Et oui, pour faire ce genre de musique,  il vaut mieux se faire remarquer par les centres culturels étrangers car il sera difficile pour ce genre d’artiste de remplir le stade ou le coliseum.

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Chanteurs et danseurs du Sud de Madagascar

Ah, et il ne faut pas oublier la filière de la musique évangélique, vache à lait du métier d’artiste à Madagascar car si tu fais du rock, du pop, du tropical et que t’arrive plus à vendre tes disques, il te suffira de faire une chanson « sainte » pour te renflouer. En effet, il paraît que plus de 3/4 des malgaches sont chrétiens.

Bon, ce sont des critiques que je voudrais constructives. Moi, en tant que malgache, j’adore tout ce que je viens d’énoncer : le rock malgache, le pop malgache, la musique traditionnelle, le salegy et les autres rythmés, toutes les musiques des ethnies et même l’évangélique. Je suis moi même fondateur et membre d’un groupe évangélique, comme on les appelle ici.

Ce que  je dis, c’est  que c’est bien d’apprendre la musique aux enfants. Et si vous me demandez : « à quoi ça peut servir à combattre la pauvreté pays d’avoir des enfants et des adultes qui savent jouer au piano? ». Je répondrai : « au moins, à nous rendre moins pauvres dans ce domaine ». La musique, c’est quand même cette chose merveilleuse qui rassemble les gens, qui anime les passions, qui véhicule des émotions; ce langage universel qui intrigue même les sourds. Je ne veux même pas parler de la musique en tant qu’industrie mondiale générant des milliards de dollars de chiffre d’affaire dans le monde chaque année mais qui est dominé par le monde occidental et ne laisse à l’Afrique et le reste du monde que la maigre filière de la World Music.
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Joueur de valiha

 

Heureusement pour nous, même si on n’a pas de conservatoire, ni de grandes écoles de la musique, ni d’opéra, ni même de théâtre, nous avons quand même de très bon musiciens. Et nos musiciens, comme  dans la plupart des pays pauvres, je pense, sont presque tous autodidactes, c’est à dire, qu’ils ont appris ou ont parfait leur technique dans des ateliers et surtout tout seuls. Oui, dans notre pays,  la musique, c’est une chose naturelle qui va grandir et se développer toute seule. Mais même les êtres vivants ont besoin de parents, de parrains, de tuteurs.

Ce dont je rêve, c’est un conservatoire ou plutôt des conservatoires pour « conserver » la musique malgache, notre patrimoine. La Musique classique se perpétue car on garde tout, même les manuscrits des compositeurs morts il y a des siècles. Les premières partitions de nos grand pères et arrières grands-pères, alors qu’ils ont fait l’effort d’écrire leur musique sont aujourd’hui perdues ou bien rangés dans des greniers. Et aujourd’hui, ce sera encore du travail de restaurer ces œuvres alors que le plus gros du boulot sera de restaurer les milliers de mélodies, de styles, d’ornementations que nous avons hérités par la voie de la transmission orale. Je rêve aussi que l’on réussisse à codifier la facture de la valiha et du kabosy et des autres instruments, et d’autres choses encore qu’on fait dans les conservatoires mais que je ne sais même pas qu’il faut les faire.

On nous a déjà volé le brevet du papier Antemoro alors que justement Antemoro est une ethnie malgache. C’est un peu comme si on disait que le Camembert a été inventé par la Corée du Nord; ou que le Charleston est évidemment une musique espagnole…ou bien encore qu’un okapi s’est accouplé avec un poteau et c’est comme ça qu’est née la girafe.

Alors, il faut tout « conserver » : Salegy, Bà gasy, Afindrafindrao, Tsapike, Beko, et les dizaines d’autres styles que nous avons; les instruments comme le Jejy, le korintsana , la valiha, etc. Car le temps et les personnes passent et parfois … on oublie même les meilleures choses.

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