Non, les Malgaches ne sont pas fous

Article : Non, les Malgaches ne sont pas fous
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9 décembre 2014

Non, les Malgaches ne sont pas fous

J’ai écrit dans mon dernier article que les Malgaches sont devenus fous. On m’a répondu que ce n’est pas vrai, que ce n’est pas possible ou que ce n’est pas normal. Certains ont compris. On m’a aussi contredit, on m’a même traité de « vendu » pour avoir osé dire tant de mal de mon pays. Dans tous les cas, il m’a été demandé de m’expliquer.

Mais ce que je sais, c’est que la violence n’est pas dans les coutumes malgaches. C’est bien les Malgaches qui disent « la force ne bat pas l’intelligence ». Je vais donc réutiliser les commentaires de ce précédent post pour disséquer le « pourquoi » de la situation. J’ai le droit puisque c’est la première réaction que j’ai reçue qui l’a suggéré en la personne de Wilkonfam qui a écrit :« La prochaine question, à mon avis, c’est « Pourquoi ? » Pourquoi tant d’horreur, pourquoi tant de violence ? »

Pour commencer, Judith Gniamey a mis en avant les coutumes en faisant un parallèle avec son pays le Togo et les autres pays.

« Mais n’y a-t-il pas un peu de cela dans toutes les coutumes et dans tous les pays ?  Au Togo, des jeunes filles ont été retrouvées décapitées, des voleurs attaquent l’aéroport national… Il y en a partout. Regarde la violence inouïe en Afrique du Sud, les missionnaires comboniens ont été attaqués trois fois dans la même journée… »

Renaudoss a renchéri : « Cela dit, certains aspects, le lynchage de violeur présumé, j’entends, sont aussi présents dans une moindre mesure dans mon pays le Togo ».

Et c’est vrai, en partie, comme je l’ai déjà expliqué dans l’article. Le vol de bœuf est un jeu, un rite, une initiation chez certaines tribus du sud de Madagascar. Ceci dit, il y a une grande différence entre des adolescents qui passent un bizutage et les dahalo d’aujourd’hui qui tuent, violent et pillent.

Heureusement, Renaudoss a ajouté une autre explication : « La dégradation des conditions de vie y est sans toute pour beaucoup, mais quand même! ». Ce qui est de la même veine que la réponse de Fa-tiana, une Malgache : « Je pense que les Malgaches sont à bout (la crise, la pauvreté qui envahit peu à peu l’île) et qu’ils n’ont plus ou peu confiance en l’Etat qui devrait les protéger et leur assurer la sécurité… et la justice… on sait à peu près ce que ça donne en ce moment, du coup, l’on se replie sur soi et on se défend comme on peut, et les voleurs, violeurs… se sentent invulnérables vu qu’il n’y aura personne pour les arrêter, même plus la peur du gendarme et de l’autorité! »

Pour moi, la réponse de la population par le lynchage n’a rien de sauvage ni d’endémique. Il faudrait beaucoup de sang froid pour ne pas vouloir se venger tout de suite lorsqu’on met la main sur le meurtrier de son frère, ou le violeur de sa fille ou simplement le voleur de sa poule. La loi, les droits de l’homme, la Loi divine ou la simple humanité sont « quelquefois » contre la justice populaire mais, malheureusement, elle est parfois la seule à parler et surtout la seule à qui les gens ont confiance.

Il ne faut pas, non plus, beaucoup de statistiques pour voir que le taux de criminalité a augmenté avec la crise. A Madagascar, la crise financière mondiale a été amplifiée par une crise politique longue de 5 ans et qui a laissé des traces; faisant plus de pauvres, annihilant tout semblant de progrès acquis depuis l’indépendance et plongeant la population dans un marasme constant. Alors, oui, c’est une cause plus que probable de cette amplification de la violence.

Enfin, je vais finir sur une suggestion à peine masquée de mon ami Stéphane, ancien habitant de l’île :« Après le lynchage de NB je me souviens avoir trouvé comme explication (pas une excuse) que ce sont les magouilles des politiciens qui mènent le pays vers le fond et poussent la population à commettre des actes désespérément horribles. »

Il fait référence à un certain fait divers de Nosy-Be l’île aux parfums, élue, en passant, plus belle île africaine où deux Européens ont été en 2013, accusés d’être des pédophiles et/ou des voleurs d’organes et lynchés puis brûlés vifs par la population et sans aucune forme de procès. Il y avait, par la suite, des rumeurs de complots dans cette affaire, mais je n’ai pas d’informations à ce sujet. Mais ce qui est sûr, c’est qu’une rumeur sur le vol de cœur est mortelle à Madagascar et que ce n’est jamais à répandre, même en blaguant.

Ce que je sais c’est que cette idée selon laquelle les attaques, les violences sont permises ou même commanditées en haut lieu n’est pas nouvelle. Ainsi, il est entré dans le langage courant le terme de « dahalo ambony latabatra » (dahalo derrière le bureau, ou assis à table). Il désigne ceux qui dirigeraient les dahalo dans leurs actes et qui en récolteraient aussi le plus de bénéfices.

Il n’y a pas de fumée sans feu, ou comme disent les Malgaches : « Le faucon ne danse pas en vain ». Il suffit de se poser les bonnes questions pour avoir des craintes sur l’existence réelle de ce genre de dahalo : comment les bandits font-ils pour s’acquérir d’armes de guerre : pistolet, AK-47, grenades ? Pourquoi, malgré les opérations et les arrestations, les bandits se multiplient ? A qui profitent ces crimes?

Voilà les 3 idées qu’on a pu soutirer des commentaires sur mon dernier article pour expliquer les violences à Madagascar. On a parlé d’une déviation des rites et coutumes jusqu’à un complot politico-mafieux en passant par la crise et ses conséquences. On peut trouver d’autres raisons et on peut aussi affirmer qu’il y a peut-être un peu de tout cela et que c’est l’ensemble qui fait que les Malgaches semblent s’affoler. Car, c’est vrai, les Malgaches ne sont pas fous, pas tous, pas encore. Il faut juste espérer et œuvrer pour que cela demeure ainsi.

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