Madagascar : pourquoi les catastrophes ne nous épargnent pas?

27 janvier 2017

Madagascar : pourquoi les catastrophes ne nous épargnent pas?

2017 a démarré très fort pour les Malgaches. Inondations, sécheresse, tremblements de terre ponctuent les nouvelles déjà bien chargées en insécurité, vindictes populaires, corruption, délestages, hausse des prix et bien d’autres encore. Mais pourquoi a-t-on l’impression que Madagascar n’est jamais épargné par les malheurs?

Depuis le début de l’année, je n’ai pas publié d’article sur le blog. J’avais la flemme. Le blogging à Madagascar, il y en a qui le font mieux que moi. Il y en a qui le font plus que moi, surtout. Moi, j’ai mon travail, ou plutôt mes travaux qui me préoccupent. J’ai, quand même plusieurs articles en brouillon mais je n’ai pas trouvé cette inspiration qui me dicte, souvent, de publier coûte que coûte. Puis, hier, il a plu sur Antananarivo et l’idée d’un texte a refleuri.

Hier, c’était une énième journée sans pluie qui se déroulait. Des semaines et des semaines durant, Antananarivo a suffoqué sous la chaleur, à guetter le moindre nuage noir mais souvent le ciel était d’un bleu ironique. Les nuages passaient, parfois même en nombre avant de se dissiper comme si de rien n’était. Puis, hier, tard dans l’après midi, il y a eu un ciel plus sombre que d’habitude, la température qui baissait et le vent qui s’apaisait. Et soudain, le premier coup de tonnerre fut suivi du cri de joie malgache « oeeee! » (lire ouéééé!) et même de quelques applaudissements. Quand dans l’histoire d’Antananarivo, de Madagascar et peut-être du monde a-t-on jamais acclamé un éclair ?

C’est encore plus tard, dans la nuit que la pluie est tombée. Une pluie abondante comme celles capable d’inonder les bas quartiers de Tana. Mais personne ne s’en plaint parce qu’au bord de la sécheresse totale, on est conscient que trop d’eau est encore mieux que pas d’eau du tout.

Un constat

Moi, je me suis laissé aller à la réflexion. Mais d’abord, j’ai fait le constat. Tout va de travers dans mon pays. Antananarivo et ses environs, en cette période est souvent sous les eaux, mais cette année, c’est aride. En revanche, le Sud de Madagascar, terre habituellement frappée par la sécheresse et le kere (famine) qui en découle est frappée par les inondations. Pour la première fois depuis que les malgaches savent enregistrer les tremblements de terres sur une échelle, la marque de 5,4 à 6 selon les uns et les autres sur l’échelle de Richter a été atteinte. Deux morts selon des rumeurs mais surement des blessés et des dégâts matériels en sont le bilan, assez chanceux.

Mais à Madagascar, la famine est surtout causée par la sécheresse des portes monnaies, en manque chronique de liquide. Les inondations, aussi, sont là où on ne les attend pas. Nous sommes inondés de faits divers ahurissants, de flambée des prix des carburants suivis de flambées des prix de tout ce qu’il y a à acheter, de délestages, de coupures d’eau, de friperies, de voitures d’occasions, de produits asiatiques et autres prises de décisions stupides. On a du mal à tenir nos têtes hors de l’eau. Quand, tout à coup, nos genoux tremblotent, on ne sait pas tout de suite si c’était un tremblement de terre ou un camion qui a roulé dans les innombrables nids de poules dans nos rues ou si c’est juste la faim.

Le pourquoi

Donc, j’ai réfléchi au pourquoi de cette situation. J’ai tout de suite eu, dans ma tête une, non, plusieurs réponses. Ce qui est drôle, quand on cherche des coupables à un problème grave c’est que ce n’est jamais moi. Je me suis donc souvenu de toutes les « Rangory fototry ny afo » (« Mme Rangory à l’origine du feu ») décriées partout depuis que ces malheurs se multiplient.

  • En parlant de feu, d’abord, ceux qui pratiquent le tavy (culture sur brulis) ont depuis quelques semaines reçus les pires insultes et malédictions sur les réseaux sociaux à Madagascar. Ce qui  fait rire, de dépit, c’est que les gens qui, aux fins fonds de la brousse incendient les forêts et les collines, n’ont jamais vu Facebook ou Twitter de leur vie. Mais avec moins d’arbre, il y a moins de pluie, donc, c’est déjà une piste.
  • Mais le phénomène de réchauffement climatique n’est pas du fait, uniquement, des agriculteurs. Nous, en ville aussi, on y contribue pour beaucoup avec nos voitures, nos cigarettes, nos foyers (charbon, gaz, frigo, ampoules, télé). Et comme c’est un phénomène mondial, ce que font les autres pays aussi peuvent avoir un impact chez nous. Et c’était prévu que cette année, El Nino n’allait pas épargner Madagascar.
  • Le dérèglement climatique ne peut pas expliquer un soudain séisme à 6 degrés sur l’échelle de Richter. La science peut expliquer que les failles bougent et tout et tout. Mais la coïncidence des malheurs appelle vite nos croyances divines ou mystiques. Mais là, encore, les malgaches ne sont plus d’accord sur quel dieu est en colère et pourquoi.
    • est-ce le Dieu des catholiques et ses saints parce qu’on ne prie pas assez ?
    • est-ce le Dieu des protestants, ou  celui des adventistes, ou celui des pentecôtistes, ou les milliers d’autres des milliers de sectes malgaches ou importés parce qu’on ne sait plus quelle règle on n’a pas suivi ?
    • est-ce le Dieu des musulmans car Madagascar devrait, dit-on, devenir islamique ?
    • est-ce le Dieu des juifs car les malgaches sont, en fin de compte, des juifs et ne devraient plus manger du porc ?
    • est-ce le Dieu Zanahary et les saints ancêtres car les malgaches ont abandonné la foi en eux et ont profané trop de fady ?

Mais ce sont des êtres humains qui nous jettent l’opprobre à cause de nos pêchés, nous, méchants malgaches. Les religieux, les prédicateurs, les personnes âgées, les scientifiques, les étrangers, etc… Mais voilà, qui est vraiment fâché contre nous pour qu’on lui dise pardon ?

  • Quitte à chercher des coupables, désignons comme d’habitude les dirigeants. C’est eux qui décident. C’est eux qui font les stratégies, les plans, la politique. Face à l’insécurité, les délestages, l’inflation, la famine et même les tremblements de terres, mais que font-ils bordel ? On les voit circuler à gauche et à droite en 4×4, hélicoptères, avions. N’ont-ils rien prévu ? Mais même si, disons, que c’étaient de supers dirigeants, (ce qu’ils ne sont pas j’admets) jusqu’où un gouvernement peut donner de la satisfaction à ses citoyens en ces temps si durs ? Quel pays, aujourd’hui, n’a pas peur du futur ? Vraiment, j’envie de moins en moins les américains qui doivent se payer une tranche de Trump ou les européens avec leurs problèmes de nationalismes, d’immigrés, et tout le reste. S’il fallait fuir, où trouver la paix ? Au Canada avec -40°C ? Dans les pays arabes et faire porter le voile à ma femme ? En Afrique ? En Amérique Latine ? En Asie ?… Difficile de répondre.

Non, finalement, j’ai beau réfléchir, je n’ai pas trouvé le pourquoi des malheurs de Mada.

Maintenant, ce qu’il me reste à faire c’est de réfléchir au comment. Comment faire pour s’en sortir.

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