Cinq techniques de négociation via les expressions et proverbes malgaches

Article : Cinq techniques de négociation via les expressions et proverbes malgaches
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21 août 2015

Cinq techniques de négociation via les expressions et proverbes malgaches

Les Français marchandent, les Anglais « bargain » et les Malgaches « miady varotra« . Ci-dessous 5 de ces techniques de négociation illustrées par des proverbes et des expressions malgaches.

image : Handshake – 2 men

Et si on est célèbre pour les longs et techniques marchandages dans les marchés malgaches (voir vidéo humoristique de Nirina ici), les techniques de négociation peuvent aussi être utilisées dans tous les échanges, du petit garçon qui demande une glace à son papa aux États qui signent un traité.

1- Demander moins pour avoir plus

L’expérience de demander l’heure avant l’argent explique bien cette méthode. Lorsque le scientifique a demandé une petite pièce à des gens, seule une infime partie d’entre eux a donné. Mais quand il a d’abord demandé l’heure avant de demander la pièce, une plus grande partie des gens a accepté de donner. L’explication serait que lorsqu’on demande une chose facile en premier, on ouvre la voie à l’acceptation par la personne d’une chose plus ardue, plus valeureuse. Les Malgaches désignent cette technique de négociation par l’expression « Domiko tapany mba handoa erany » (Je le cogne [l’intéresse] avec un demi pour qu’il paie un entier).

2- Demander plus pour avoir moins

L’alter ego de la technique de négociation précédente consiste à « viser la Lune pour atterrir dans les étoiles ». Mais les Malgaches visent le ciel pour atteindre une montagne (Mitifi-danitra sitrany ahay mahavoa tendrombohitra). Ce qui est plus logique, car si les étoiles sont en fait beaucoup plus éloignées que la Lune, les montagnes sont à un niveau plus bas que le ciel. Cette méthode fait appel à la culpabilité, à la gêne de la personne qui refuse en premier temps une demande tout à fait impossible à accéder pour qu’elle accepte une deuxième requête, moins contraignante. Donc, il faut d’abord demander à son père une PS4. S’il refuse, ce sera plus facile d’obtenir un tout petit 3DS.

Dans la pratique, lorsqu’on veut acheter une chose à Madagascar, le vendeur proposera toujours un prix d’au moins 2 fois le prix réel. L’acheteur négociera avec un prix de moitié le prix réel et les deux se mettront d’accord au niveau du « marimaritra iraisana » (la tiédeur qui va à tout le monde).

3- L’insistance

L’expression malgache « tsy mahaleo doika » signifie « ne pas avoir eu raison de l’insistance (de l’autre) ». Dans la parabole du juge et de la veuve, Jésus fait comprendre que parfois, par dépit, on accepte de faire quelque chose si ça permet qu’on nous « foute la paix ». Et il y a vraiment des vendeurs qui font ça ici. Ils vous suivent ou poursuivent à pied quand vous marchez ou que vous roulez dans votre voiture sur des centaines de mètres pour que vous achetiez un truc qui ne vous servira peut-être jamais.

Mais les acheteurs ne sont pas en reste. Moi-même, il m’arrive de rester devant la chose que je veux acheter à bas prix quelques minutes en posant cette question : »Tsy mety mihitsy ve? » (« ce n’est vraiment pas possible (de me la donner à ce prix)?). Des fois, on voit les vendeurs faire de basses discussions derrière le comptoir. On devine qu’ils doivent se dire : « Ce mec insiste beaucoup…il ne va pas partir si on ne le lui donne pas…il est chiant…il est peut-être armé…faut pas prendre de risque« . Parfois, cela permet de faire une bonne affaire, mais je conçois que c’est une technique agaçante. Heureusement, pour les Malgaches, « ny varotra tsy raikitra tsy maharatsy fihavanana » (une vente non conclue ne doit pas altérer le fihavanana).

4- (D)évaluer la marchandise

Le vendeur va toujours dire du bien de sa marchandise. L’acheteur tentera souvent de la dénigrer. Souvent, la rareté joue en faveur du vendeur. Pour dire que cette chose ne se trouve pas dans tous les coins de rue, les Malgaches usent de l’expression « gisa mainty » (oie noire) tiré du proverbe « tsy fahita firy toy ny gisa mainty » (rare comme une oie noire). Lors de l’achat d’un bien d’occasion, certains acheteurs utilisent une expression imagée pour dire que le produit semble très usé : « maty kapoka » (habitué ou « tué » par des coups).

Alors, il faut faire attention, car de bons vendeurs peuvent ne pas parler des défauts de leurs produits et des tricheurs peuvent même les masquer. Mais si vous êtes acheteur, en découvrant les vices, vous êtes sûrs de pouvoir dévaloriser l’article et de l’acquérir à un bon prix.

5- L’ultimatum

Cette méthode, risquée, intervient lorsque les autres techniques ne sont plus d’actualité. Cela consiste à faire peur à l’autre pour le faire plier. Le vendeur peut dire que le client regrettera de ne pas avoir acheté ce produit tout de suite car : il n’y en aura plus demain, le prix ne sera plus le même, etc.. Donc, c’est une occasion à prendre, car « Ny valala anie tsy indroa mandry am-bavahady e! » (les crickets ne dorment pas 2 fois devant votre porte).

Mais souvent, cette technique est à l’avantage des acheteurs. Il faut se montrer capable de partir en abandonnant le produit quand on veut vraiment l’avoir (à bon prix). On fait le « mody fanina » (faire semblant d’avoir le vertige, d’être sonné). La scène est aujourd’hui banale dans les marchés d’Antananarivo. L’acheteur s’en va et le vendeur lui crie un prix qui descend à mesure qu’il s’éloigne :

– 10 000, Hé, 9 000 Monsieur, 8 000, 7 500, 7 250 ARY E!
– 7 000 ET C’EST D’ACCORD (en revenant sur ses pas)
– Donnez votre argent alors!
– Merci
, bonne vente!

Voilà quelques techniques déjà bien connues que l’on peut adapter à toutes formes de négociation : pour demander un service, pour obtenir un cadeau, pour sortir une fille, par exemple. Mais il en existe beaucoup d’autres et de nouvelles. En fait, on peut, vous pouvez même en inventer.

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