Antananarivo, la patiente

Article : Antananarivo, la patiente
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1 septembre 2014

Antananarivo, la patiente

– Madame Antananarivo, bonjour, prenez place et dites moi tout.

– Appelez-moi Tana, c’est plus facile. D’abord, je tiens à précise que je ne suis pas…

Photo : Macro Zanferrari

– Folle? Mais non, ne vous inquiétez pas. Je n’ai aucun jugement à faire, aucun diagnostic à établir, je suis là pour vous aider. Considérez-moi comme votre ami, votre confident.

– D’accord, j’ai l’impression que rien ne va dans ma vie. Et je ne sais pas ce qui cloche ni ce que je peux faire.

– Allons-y pas à pas, parlez moi des naissances

– Ah les naissances! Il y en a beaucoup, je n’ai pas à me plaindre. Pour la plupart, c’est très douloureux. Mais quelle idée j’ai eu de construire une maternité à Befelatanana (la grosse paume)! Sinon, c’est très cher pour une césarienne et l’utilisation de la péridurale est encore marginale. Et surtout, il y en a encore qui mettent bas à la maison, parfois toutes seules. Elles disent « miankin-drindrina irery » (adossée au mur toute seule) à cause d’une technique ancestrale pour endurer le travail. Néanmoins, le taux de natalité est le plus faible dans ma région, dans les 26% comparé aux 43% au niveau national.

– D’accord, et qu’en est-il des enfants?

– Les enfants sont mieux lotis que dans le reste du pays.  Ils ont droit à l’école primaire gratuite…ou presque. Ils ont accès aux loisirs et sont protégés. Bien sûr, il y a les enfants de la rue, on les appelle les 4’mi. Il paraît que « 4 mi »  veut dire « boire, fumer, parier et se prostituer », les 4 pêchés capitaux. Malheureusement, certains d’entre eux apprennent aussi à mendier et voler. On fait des efforts pour les réinsérer mais ce n’est pas facile du tout.

– Passons à la jeunesse maintenant

– Oui, la jeunesse c’est merveilleux. Pour moi, les jeunes sont dynamiques et entreprenants. Beaucoup de mes jeunes travaillent. Beaucoup font des études. Mais quelle idée j’ai eu d’installer l’université à Ankatso (Là ou ça bloque). Très peu d’entre eux réussissent dans les études. La plupart travaille dans l’informel ou dans des emplois très mal payés. Imaginez que des bacheliers triment pendant tout le mois pour 150 000 Ariary (50 Euro). Mais encore, je préfère mieux ça que de les voir se vautrer toute la journée sur le canapé ou en train de faire des mauvais coups.

– Très très bien tout ça. Mais je vois que vous avez des problèmes avec les noms.

– Oui, chez moi, c’est très important. Mais je sais que certains ne sont pas à propos. Par exemple, à Tsimbazaza (Pas un enfant), j’ai côtes-à-côtes mon zoo et mon parlement. Souvent ça prête à confusion lorsqu’on dit : « Je vais amener les enfants voir les animaux à Tsimbazaza » ou « La nouvelle loi sur la pêche a été adopté à Tsimbazaza ».

-Donc, vous pensez qu’il faut changer les noms?

– Euh pourquoi? C’est grave?

– Non, le nominainconueniensophobie n’est pas une maladie.

– C’est quoi?

– Je viens de l’inventer pour votre cas, « la peur des noms inappropriés ».

– Ah!…oui, enfin…non! Les noms, c’est important mais les changer ne va pas tout résoudre. Je veux dire qu’il faut surtout changer la mentalité.

– Vous voyez, vous avez trouvé la solution vous même.

– Oui mais c’est vrai que vous m’avez aidé à … sortir tout ça! Je vous dois…?

– Non, non, ce sera pour la prochaine fois. Vous revenez bien sûr, je vous donne un rendez-vous. Aujourd’hui en 8?

 

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