Contes et légendes de Madagascar : les personnages
Dans les contes de Madagascar, il y a de nombreux personnages. Il y a les Rakoto, les Rasoa, les Rabe quelque chose (les noms les plus communs à Madagascar) et les autres mais il y en a qui sont de véritables stars dans le pays, à l’instar du Chaperon Rouge, de Pinocchio ou des 7 nains en France. Je vais vous les présenter dans cet article.
Trimobe l’ogre mangeur d’enfant
Trimobe est riche et a beaucoup de vivres dans sa grande maison au milieu de la forêt. « Trimo » est le vrai nom et « be » est un qualificatif qui signifie « gros » ou « grand ». Il a justement un gros voix qui s’entend de loin. Il a un très bon flair et sa phrase culte est « maimbo olombelona » (ça sent l’être humain).
Les chercheurs disent que Trimobe représente en fait le Tigre (wikipédia) et que le personnage a été importé d’Asie par les austronésiens (Trimo : T-rimu : tigre). Il tient le rôle du grand méchant qui dissuade les enfants à s’aventurer tout seul dans la forêt à l’instar du grand méchant loup ou l’ogre européen. Pourtant, il n’est pas dit qu’il préfère les enfants aux plus grands. Il a logiquement évolué pour devenir le pendant malgache de cet ogre européen dans des adaptations malgaches du « Petit Poucet » par exemple. D’un autre côté, le fait que les enfants osent ou doivent parfois affronter et tuer Itrimobe pour lui voler toutes ses richesses indique qu’il peut représenter les difficultés de la vie auxquelles les enfants doivent faire face pour réussir dans la vie, une sorte d’initiation.
Ifaramalemy sy Ikotobekibo
Ils sont des inséparables sœur et frère. Ils sont souvent confrontés à Trimobe et parfois à certaines sorcières ou un monstre. Ils doivent affronter cet ennemi car ils sont pauvres, perdus, affamés, abandonnées à eux-mêmes.
Ikotobekibo, dont le nom signifie « Koto au gros ventre » est le frère ainé. Il est costaud et gourmand mais un peu niais et peureux. Sa force lui permet de prendre soin de sa sœur Ifaramalemy qu’il porte souvent sur son dos et à détaler devant le danger mais il ne se bat pas. Toutefois, dans plusieurs contes, c’est lui qui tient le rôle du grand frère et qui dirige la fratrie.
En effet, Ifaramalemy est comme son nom l’indique, est « la cadette qui est paralytique ». Mais elle n’est pas forcément handicapée, parfois elle est représentée comme jolie mais maigre et fragile. Elle est souvent la plus intelligente mais dans d’autres contes elle est aussi faible d’esprit. Voilà un bon exemple de la polysémie dans la langue malgache car « malemy » selon le contexte peut vouloir dire : paralytique, fragile, faible, molle, douce, etc.
Les deux ensembles représentent la complémentarité entre la force et l’intelligence, le courage et la peur, entre la femme et l’homme. Les récits anciens qui mettaient Faramalemy dans le rôle de leader sont plus proche de la réalité matriarcale de la société malgache.
Ce sont ces deux là qui remplacent le Petit Poucet et ses frères et sœurs dans la version malgache (lien en malgache). Ils triomphent de Trimobe, l’ogre, et ramène la richesse à leurs parents qui les ont abandonnés dans la forêt à cause de la pauvreté.
Ifaramalemy et Trimobe
Dans certains contes récents, Trimobe garde Faramalemy en otage pour la manger plus tard. Trimobe ne veut pas déguster la fillette maigrichonne et veut qu’elle soit plus dodue avant de la manger . Cette évolution de Faramalemy n’est plus seulement une enfant du genre « le Petit Poucet » mais se rapproche plutôt du « Chaperon Rouge » (lien en français)… enfin pour ceux qui comprennent. Trimobe dans ce cas n’est plus avide de chair et de sang mais de bien plus encore. Certaines interprétations sont plus explicites en parlant de mariage entre Trimobe et Faramalemy.
Voici un autre conte (en français) sur Trimobe qui le présente en un seigneur très laid qui s’en prend aux enfants (lien en français). Même si dans ce récit il garde son flair et son intelligence, on est loin de l’image originelle du tigre mangeur d’homme…ou plus près? je me perds…
Ikotofetsy et Imahakà
Je vous ai réservé le meilleur pour la fin. Ce sont les mystérieux Ikotofetsy (Ikoto le rusé) et Imahakà (Celui qui rend hagard). Ce sont les héros d’une série d’aventures et de mésaventures (lien en français) durant lesquelles les deux compères usent et abusent de leur intelligence ou plutôt ruse, leur mesquinerie et leur fourberie pour tromper, voler, dévaliser les gens. Plus c’est injuste, mieux ça marche.
Cela commence avec la rencontre entre les deux personnages. L’un attrape un corbeau, le met dans un panier et va au marché pour le vendre en tant que poulet bien gras. L’autre de son côté façonne une bêche en terre cuite qu’il peint en couleur métallique. Se croisant sur la route, les deux décident de faire du troc, ce qui était la transaction la plus courante en ce temps là. En découvrant, chacun chez soi, qu’il s’est fait roulé, les deux se sont cherché pour se féliciter l’un l’autre et s’associer. Et c’est ainsi que commença toute l’histoire.
Ce sont les personnages préférés des malgaches. On en fait des livres, des bandes dessinées, des séries dessins animés, des chansons, à quand le film?
Le succès de ces deux personnages m’intrigue toujours. La cruauté de leurs actes ainsi que l’impunité dont ils bénéficient jusqu’à la fin indique que les valeurs malgaches sont loin des « bien mal acquis ne profite jamais », « qui sème le vent récolte la tempête » des français ou des valeurs bibliques apportées par les chrétiens. Est-ce qu’au fond, cela signifie que les malgaches ont réussi à garder de leurs propres valeurs malgré la colonisation et l’évangélisation?
Cette valeur dont je parle c’est dans l’adage « ny hery tsy mahaleo ny fanahy » – la force ne l’emporte pas sur l’esprit. Le malgache est intelligent, enfin … il le croit. Il est surtout rusé. il suffit de compter les mot « intelligence » de cet article pour comprendre que c’est ce qui est inculqué aux petits enfants malgaches.
Ce que je déplore c’est que malheureusement, l’intelligence des malgaches est égoïste. Faites attention si vous êtes étrangers dans ce pays ou si même si vous changez de région, il y a plein de Ikotofetsy. Le prix affiché de 1 000 Franc Malgache deviendra 1 000 Ariary (5 fois) pour le vazaha (étranger); le smartphone que tu achète dans la rue se transformera en savon taillé sous la housse de téléphone; 5 kilos de riz sur la balance sera 4,5 kilos à la maison.
Heureusement, il n’y a pas que le fanahy -esprit. Il y a aussi le fihavanana – les relations ; le tsiny – les fautes etc… car ne croyez pas qu’il n’y a que des Ikotofetsy chez nous.
Trimobe, Ikotobekibo, Ifaramalemy, Isilakolona, Ibahitrila, Ibonia, Ibotity, Rapeto, Ikotofetsy, Imahakà, et les autres ne se sont battus que pour eux-même ou au plus pour leurs familles. On manque d’un héros national.
Voilà, ce sont les personnages les plus célèbres que je connaisse. Je n’ai pas encore parlé des animaux. Peut-être une prochaine fois. Mais il y en a d’autres qui sont moins connus par tout le monde et surtout par moi-même et c’est à vous de les découvrir.