Légendes : tout est à jeter?

Article : Légendes : tout est à jeter?
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15 octobre 2013

Légendes : tout est à jeter?

Le 14 octobre est à nouveau férié à Madagascar à partir de cette année 2013. Cette date commémore la proclamation de la première république malgache. Une occasion pour moi de revoir avec vous toute l’histoire de Madagasikara (Madagascar) d’un point de vue  d’un blogueur et pas celui d’un historien ou d’un spécialiste que je ne suis pas. Et pourquoi ne pas faire une analyse à partir des contes et légendes?

L’histoire

Zanahary, le dieu créateur créa le monde et il créa aussi l’homme Mosa et la femme. L’homme s’étant ennuyé (ou peut-être en avait-il marre de sa femme), il demanda à Zanahary des serviteurs et dieu lui donna un sahafa (plateau en osier pour vanner le riz) et de la boue. Mosa façonna alors la boue, dieu souffla dessus et la boue est devenue d’autres hommes qui servirent Mosa. « Angano angao! arira arira! »  (les contes ne sont que des comptes! les légendes ne sont que des légendes!), si c’est faux ce n’est pas moi qui ai menti.

L’Histoire

Les spécialistes disent que les malgaches ont une origine austronésienne (c’est à dire d’une partie sud de l’Asie) commune à toute l’île. La langue, les coutumes, l’habitat, l’agriculture entre autres confirment cette hypothèse. Mais si on regarde les contes et légendes (si on les écoute, plutôt), il y avait depuis le début les sages et saints Ntaolo (les austronésiens) et les mystiques et effrayants Vazimba. Vazimba désigne les hommes de la forêt. Moi, Je dirais, personnellement, que les vazimba étaient les premiers sur la place, les deux peuples étaient en concurrence et les Ntaolo ont chassé ou assimilé les vazimba les rendant dans l’Histoire à de simples êtres légendaires puisque l’histoire est toujours celle des vainqueurs.

Quand je dis les saints Ntaolo, c’est que une adage malagasy(malgache) dit que du temps des Ntaolo, lorsque tu retournais une bouse de vache bien sèche, une matière première pouvant servir d’engrais, de ciment, de combustible et peut-être d’autre chose qu’on ne sait plus faire aujourd’hui, cela voulait dire qu’elle est à toi et personne ne va plus te la voler.

Les vazimba dans les contes sont petits et seraient pour certains spécialistes des pygmées ou une espèce naine du genre Homo comme l’Homme de Florès, le nanisme insulaire expliquant cela.. Mais depuis quelques temps,  beaucoup parlent d’une origine juive des premiers malagasy. En effet, les vazimba haïssent le porc, les malagasy en général pratiquent la circoncision, etc.

Des rois, des reines, des princes et des princesses

Les Ntaolo formaient des clans. Avec la croissance de la population, les clans grandissaient et des tribus se formaient naturellement. Comme dans tous les pays, il y a eu des peuples expansionnistes et voulant dominer les autres. Tout ceci aboutit à un royaume presque unique sur toute l’île avec un système social des plus complexes.

Merina_Kingdom_flag.1810-1885

drapeau merina, la tribu dont est issue les roi et reines de Madagasikara
Il y avait des rois, issus de la caste royale : les Andriana, et donc il y avait la caste des Andriana. Il y avait les Hova qu’on traduit souvent par nobles mais dont la position dans le système est beaucoup moins facile à traduire.

En effet, les hova forment eux-même une caste et les hova et les andriana ne se mélangeaient pas. Dans les dernières années du royaume malagasy, c’étaient bien les hova qui avaient la majorité du pouvoir dans les mains du Premier Ministre.
A part ces deux castes, il y avait aussi des sans-droits, des esclaves et peut-être d’autres que je ne sais pas.
Dans les contes et légendes il y a une formule magique « Raha andrian-dray aho, raha andrian-dreny », prononcez « randjédjayarandjédjéne » qui est l’abracadabra ultime permettant les tours de magies les plus improbables et qui veut dire « si mon père est andriana et si ma mère est andriana ».
Aujourd’hui encore, les andriana entre eux ou certaines personnes envers les andriana perpétuent cette « peur » selon laquelle on ne fait pas du mal aux andriana et on leur doit la politesse car ils sont sacrés.

armoirie 2 Madagascar Flag  Coat of Arms

Armoiries de deux dernières reines de Madagasikara Ranavalona 2 et 3
Ma mère est andriana et mon père est aussi un andriana (le fait d’être andriana se transmet plutôt par la mère), ce qui ferait de moi un prince dans d’autre temps. Et étant petit, j’ai vraiment essayé des sorts du genre « raha andrian-dray aho raha andrian-dreny, que la pluie cesse tout de suite » ou « raha andrian-dray aho raha andrian-dreny, que ces papiers se transforment en billets de banque » (…je fais la remarque qu’en ce temps-là, il n’y avait pas encore Harry Potter au cinéma). Soit, le truc ne marche pas, soit, mon père n’est pas mon père et mon père ne le sait pas….c’est une blague, il le sait.

Les Vazaha

Les vazaha sont les européens. Les français ont colonisés Madagascar de la fin du 19è siècle jusqu’en 1960 après un simulacre de guerre entre les français (en majorité des malagasy de l’Ouest) qui ont vaincu les Malagasy appuyés par les anglais. Aujourd’hui, on dit toujours « les vazaha font semblant de faire la guerre » puisqu’en vérité, les français et les anglais sont déjà d’accord pour laisser Madagasikara aux français.

coloni

drapeau du protectorat
Les français sont, donc, aux yeux des malagasy les êtres qui ont vaincus les andriana et les hova. Le conte de Mosa au début de l’article en est l’illustration. Mosa est en effet la transformation de « Monsieur » et cette légende élève le « Monsieur », c’est-à-dire l’homme blanc au rang d’un demi-dieu à l’égard duquel les malagasy doivent respect et obéissance; un moyen bien commode de dire que la colonisation était une chose normale et voulue de dieu Zanahary lui-même.

La république

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Sceau de la 1ère république

Selon la légende, la première république (1960-1972), qui appliquait ce qu’on appelle aujourd’hui la « politique du ventre » était un temps de douceur et d’opulence. Aujourd’hui , on appelle même le président d’antan du tendre nom de « grand-père » et c’est avec nostalgie qu’on évoque les années sous son joug. Et même qu’aujourd’hui, on commémore l’avènement de cette première république en tant que victoire du peuple malgache.

Pourtant, l’Histoire dit aussi que la première république était considérée par le peuple comme une forme masquée de néo-colonialisme que les malagasy ont renversé en 1972, dans la plus grande violence. Là, soit la légende est fausse, soit, les grands-parents ont fait une bourde monumentale.
C’est pareil à cet homme que j’ai entendu à la radio conter des louanges sur la deuxième république, la révolution socialiste de 1972 à 1991 en priant l’actuel candidat socialiste que si ce dernier gagne, il devra rendre à nouveau le transport public presque gratuit et le prix du riz à quelques ariary (monnaie malagasy) le kilo. A-t-il oublié dans son récit qu’en ce temps-là, pour avoir ce kilo de riz, la ration quotidienne de toute sa famille, il devait faire la queue toute la journée? Car il me semble que ça, ce n’est pas une légende.

RDM

sceau de la IIème république

 

Contes et légendes en chantier

 

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sceau actuel de la république
Enfin, je suis assez vieux pour avoir vécu moi-même la troisième république et j’espère rester assez longtemps pour en voir le maximum. Mon devoir, notre devoir à tous c’est de garder, de bien garder en mémoire notre vécu et les leçons qu’on a reçu dans notre courte existence pour faire passer aux générations suivantes de vraies valeurs sous forme de contes et légendes, peut-être, mais qui reflètent la vraie vérité.

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