Cette année, à Noël, on a choisi que des jouets d’occasion

Article : Cette année, à Noël, on a choisi que des jouets d’occasion
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26 décembre 2017

Cette année, à Noël, on a choisi que des jouets d’occasion

Noël 2017 est déjà passé, cet article n’est pas une liste de conseils d’achat ou de bons plans. Je vais vous expliquer pourquoi je pense que donner des jouets pas neufs à mes enfants est une bonne idée.

Mes enfants ne sont pas encore sur Internet. Ils ne verront pas cet article de sitôt. S’il le lisent un jour, je pense qu’ils comprendront.

Déjà, les deux plus grands savent que le Petit Papa Noël n’existe pas. Ces anges, même si on leur cache les fois où leurs parents sont en difficulté, sont si gentils que cette année, ils ont clairement dit qu’ils ne voulaient rien commander mais qu’on pouvait leur donner ce qu’on voulait. Les trois derniers, vu que mes enfants sont tous dysphasiques, ne mettent pas de valeur pécuniaire aux cadeaux qu’ils reçoivent. Cette année, j’aurais vraiment pu me contenter de très peu.

Les temps sont durs

Je pense qu’aujourd’hui, le monde entier est conscient que Madagascar est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Depuis quelques années, les organismes internationaux montrent des enfants malgaches sur ses affiches où, avant, il y avait des somaliens ou des afghans. Les associations appellent à parrainer des petits pauvres avec des vidéos de petits malgaches. Les mondoblogueurs malgaches ne cessent de raconter et dénoncer cette pauvreté, ses manifestations dans les faits divers ou la résignation coupable des malgaches.

Les jouets chinois ne le sont pas

Les jouets chinois sont très bon marché. Et ils sont tellement fort en marketing qu’ils ont su, très rapidement, s’adapter au marché malgache. Les entreprises chinoises sont capables de fabriquer des millions de jouets expressément à destination des petits malgaches, selon les évènements, comme pendant les fêtes de l’indépendance où ceux-ci arborent le vert-blanc-rouge de notre drapeau national. Et avec des prix de départs à 100 Ariary (3 centimes d’euro), ces jouets sont des choix logiques même s’il y a des risques.

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Un jouet made in China. Crédit photo : Pixabay CC0 / Shwaggy

Les risques qu’on prend avec les jouets chinois sont qu’ils sont parfois (sciemment ?) de mauvaise facture vu qu’il n’y a pas de « normes malgaches » à respecter. Un nouveau proverbe est même apparu disant que « Ny tsara tsy mba mora » (la bonne qualité n’est jamais bon marché). Même avec un prix dérisoire, si le jouet ne tient pas longtemps, c’est toujours de l’argent perdu.

J’ai déjà acheté une petite voiture qui a tenu 2 heures. Mon fils a rigolé en me la ramenant en disant « Regarde Papa, elle est en 1000 morceaux! » Il était si fier, j’en ai eu la larme à l’œil.

Et les petits morceaux de plastique, et les vis et les boulons, et les piles usagées… on ne sait même pas quels matériaux ont été utilisés. Phtalates, bisphénol, métaux lourds, etc, est-ce qu’il existe quelqu’un à Madagascar qui se soucie de leur présence dans les jouets ?

Occasion d’Europe, c’est une bonne idée

À Antananarivo, il y a des marchands qui étalent par terre des jouets usités, souvent délabrés mais parfois étonnement en très bon état. Ce sont apparemment des jouets de bonne facture. Et ils sont encore chers. Les marchands savent que ce sont de bons jouets qui méritent une deuxième vie. Je pense que ce sont de bons endroits pour des collectionneurs pour trouver des pièces rares.

marchand de jouets
Des jouets provenant de pays riches qui cherchent de nouveaux enfants dans un pays pauvre, comme dans un mauvais épisode de Toy Story en mashup avec Madagascar le film ?

Pour ceux qui le peuvent, il y a aussi des magasins qui vendent « pas cher », comme ils disent, des jouets qui semblent être des invendus en Europe. Mais si on voit sur ces jouets qu’ils sont bien « made in China », on voit aussi les sigles NF, CE, etc qui montrent qu’ils sont aux normes européennes. De toute façon, même sur l’aspect extérieur, la différence se voit.

En appliquant les normes sécuritaires, même l’aspect extérieur est différent. Crédit photo : pxhere CC0

Pour ma part, cette année, j’ai eu les jouets de différentes sources, certains gratuitement, d’autres achetés mais à 90%, des jouets d’occasion.

Ne vous y méprenez pas. Avant d’être mondoblogueur, j’étais et je suis encore un salarié. Je peux me permettre un petit budget jouet sur lequel mon entreprise contribue en guise d’aide sociale. Le choix d’avoir de « bons produits » est, pour moi, vital même si je ne pourrais pas tout acheter neuf. Il m’a fallu utiliser des astuces et surtout de l’huile de coude mais le résultat est que sous le sapin, il y a eu des jouets rutilants, parfois mieux que des neufs.

Exemple ? J’ai passé des heures à nettoyer, peindre, remplacer des pièces mais le chef d’œuvre est une console de jeu ancienne sur laquelle j’ai fait installé tous les gadgets possibles et dont j’ai rénové l’extérieur pour en faire un outil de retrogaming imbattable.

En attendant que les malgaches puissent exiger la qualité

« Rehefa noana ny kibo, mivezivezy ny fanahy« (quand le ventre est vide, l’esprit vagabonde). Pour l’instant, le plus important pour les malgaches, c’est de sortir de cette pauvreté dans laquelle ils sont englués. À la limite, le prix de certains jouets sont des insultes à ceux qui n’ont pas assez d’argent pour se faire un déjeuner. Dans ce contexte, les produits aux normes, recyclables, équitables et le reste sont encore une utopie.

Même avec un budget restreint, il faut choisir la qualité, même si pour le même prix, le produit aux normes est plus petit, moins attirant que les autres. Et si par chance on a tout le budget qu’il faut, il faut savoir penser aux autres. Par exemple, une petite figurine, fabriquée dans une usine quelconque en Chine avec un plastique d’origine inconnue et de la peinture potentiellement dangereuse peut s’acheter au coin de la rue à 1 000 Ariary (30 centimes d’euro). Le même personnage, neuf, en version originale, aux normes européennes, doit valoir dans les magasins autour de 120 000 Ariary (30 euros). Si on peut trouver, d’occasion, sans défaut, la même chose à moitié prix, on sera content d’avoir 60 000 Ariary d’épargné. Et avec un peu de cœur, on peut partager une partie de ce reste aux plus démunis.

Mon rêve serait que les malgaches puissent fabriquer des jouets aux normes. Et pas que des jouets, d’ailleurs, des aiguilles aussi pour que l’un de mes anciens profs ne puisse plus dire : « L’industrie malgache n’est pas capable de fabriquer même une seule aiguille« .

Les jouets malgaches sont amusants mais j’ai momentanément arrêté d’en acheter depuis qu’un camion en bois a révélé des clous rouillés après un petit accident. Crédit photo : pxhere CC0

A vrai dire, l’industrie malgache existe depuis des siècles et fabrique beaucoup de choses et même, quand j’étais petit, il y avait des jouets en plastique comme des poupées sans articulations, des Formules 1 dans les modèles d’avant-guerre. Il y avait aussi des ballons en plastique dur, selon le modèle des ballons officiels des années 1930 avec une partie encore plus dure où il y avait les fausses coutures et qu’on surnommait ballons en os (mon plat du pied s’en souvient encore). Aujourd’hui, il faudrait faire beaucoup mieux.

En bref, même chez les enfants les plus compréhensifs, il ne faut pas trop leur dire que Papa, Maman, le pays même est si pauvre qu’ils doivent se contenter de ce qu’ils reçoivent. Où serait la magie de Noël ? Au contraire, il faudrait que les parents puissent les surprendre en leur donnant quelque chose qu’ils ne pensaient pas possible de demander. Et en rénovant des jouets d’occasion, j’ai pu le faire cette année. Car même si j’aurais pu tout dépenser en produits neufs, j’ai aussi plusieurs familles que j’aide, particulièrement en ces fêtes de fin d’année. Ce n’est pas grand chose mais ça aide pour avoir la conscience tranquille. A l’avenir, que j’espère proche, j’aimerais que tous les enfants malgaches reçoivent la visite d’un Père Noël qui ne les décevra pas. Mais cela passe par des parents moins pauvres et, donc, un Madagascar plus riche. Comme dit au début, l’article ne vise pas à guider les achats de Noël, mais à réfléchir sur la façon de dépenser en ces temps si durs pour notre pays.

 

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