Le mois de mai stresse les malgaches

Article : Le mois de mai stresse les malgaches
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27 avril 2016

Le mois de mai stresse les malgaches

Est-ce un syndrome, une coïncidence ou une habitude? Chaque année, l’approche du mois de mai provoque la panique chez les malgaches. Entre faits réels, rumeurs, coïncidences et manipulations, il faut savoir faire preuve de discernement.

 

image : employées d’Air Madagascar effectuant un sit-in le 22/04/2016

La légende du 13 Mai

Au début, le 13 mai n’était pas une légende. Le 13 mai 1972, les étudiants descendent sur la place devant l’Hôtel de Ville à Analakely pour la poursuite de leur manifestations. Le bain de sang qui s’ensuit est considéré comme la marque de la chute de la Première République à Madagascar et la place et les fondations de l’Hôtel de Ville, ravagé par le feu, sont devenus la place du 13 Mai. L’endroit est, depuis, la place où il faut se faire voir pour être reconnu comme un vrai politicien. Devenue un symbole, la place du 13 mai est là où Ravalomanana a entériné la mort de la seconde république et où Rajoelina, 7 ans après a lancé son fameux « Je prends le pouvoir » avant de faire tomber Ravalomanana.La légende est née. C’est devenu comme : « si tu veux faire tomber ce régime, fais-le sur la place du 13 mai! »

Et même s’il n’y a pas un coup d’état par an à Madagascar, depuis plusieurs années, l’opposition essaie toujours de faire quelque chose sur cette place même si c’est devenu interdit. Comme le 13 mai est avant tout une date, elle essaie souvent de caler une manifestation, un rassemblement, un hommage ou n’importe quoi pour ce jour précis. Et comme leur demande d’autorisation est souvent refusée, tout le monde est sur le qui-vive à l’approche du 13 mai pour voir ce qu’il va se passer car, forcément, c’est un 13 mai, il va se passer quelque chose.

Coïncidences

Moi je suis d’avis que les coïncidences n’arrivent pas par hasard. Je veux dire que s’il y a coïncidences, il y a, en amont des causes, communes ou non, qui ont amené à ce que les choses arrivent précisément. Quoi qu’il en soit, c’est vrai qu’à mesure que le mois de mai approche, les contestations contre le régime et son gouvernement se multiplient. Hier, un journal télévisé d’une chaîne privée a commencé en listant les grèves et manifestations en cours actuellement. Je vais en lister moi aussi : les agents de la compagnie aérienne Air Madagascar, les transporteurs, les greffiers et pénitenciers, les ouvriers du chantier du village de la Francophonie, les enseignants, les quartiers délestés du courant, etc.

La recrudescence de ces litiges n’est pas imputable au hasard. Peut-être qu’il y a un effet mois de mai  ou un effet papillon mais, à mon avis, il y a, en amont, des causes bien précises que je ne peux pas énumérer. C’est à ceux dont c’est le travail d’analyser cette situation et d’en tirer les enseignements car le mois de mai est là.

« Mampandry adrisa »

« Adrisa » est une espèce de sauterelle comestible. « Mampandry adrisa » signifie, littéralement, endormir la sauterelle de la technique qui consiste à faire des sifflements pour immobiliser l’insecte qu’on veut attraper. Facile de deviner qu’au sens figuré, on utilise l’expression pour la langue de bois, les promesses d’ivrogne et surtout le discours politique.

Mais à Madagascar, ce qui marche le mieux, c’est la prestidigitation des informations. J’explique, lorsqu’un magicien fait un tour de magie, il attire l’attention de l’assistance d’un côté lorsque de l’autre côté, la magie, ou plutôt l’arnaque opère. Je pense que c’est ce qui se passe à Madagascar. Je ne parle pas du fait que notre président a été pris en photo inaugurant une table de ping pong. Je dis juste que c’est bizarre que c’est lorsque les affaires politiques sont les plus chaudes que les rumeurs les plus improbables alimentent les faits divers : voleurs de cœurs, sorcelleries, vampires et monstres en tous genres empêchent les malgaches de sortir la nuit. Aujourd’hui, on parle d’un bibiolona, c’est un des monstres humanoïdes des légendes urbaines malgaches, terrifiant suceur de sang, qui occupe le devant de la scène; à en oublier le délestage, les coupures d’eaux, les routes coupées, les attaques de bandits, les meurtres, les viols, les détournements de fonds, la mauvaise gestion, et le reste.

Prévoir?

On ne peut rien prévoir. On a juste des amis et de la famille qui nous disent qu’ils font des provisions, qu’il faudrait peut-être y penser car on se sait jamais ce qui va se passer au mois de mai. Mais de l’autre côté, il ne faut pas céder à la panique. Il faut être attentif et prudent. C’est valable pour nous mais aussi pour nos dirigeants. Le mois de mai n’est pas un mauvais moment à passer. Le mois de juin ne sera pas la fin des problèmes. C’est tout de suite qu’il faut prendre le taureaux par les cornes et régler les problèmes avant qu’ils ne se compliquent. Enfin, c’est ce que je ferais si j’étais au pouvoir. Je ferais des mois de mai des mois où les meilleurs décisions sont prises et je ne donnerais aucune raison pour le peuple de se souvenir de leurs ainées qui ont renversé des montagnes au mois de mai.

Bref, le mois de mai, en hémisphère nord, c’est le printemps. À Madagascar, on devrait entrer petit à petit dans le froid. Est-ce le réchauffement climatique ou est-ce qu’il y a une fièvre du mois de mai mais, actuellement, c’est chaud!?

 

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