Madagascar : faut-il en finir avec les Jeux des îles de l’océan Indien ?

Article : Madagascar : faut-il en finir avec les Jeux des îles de l’océan Indien ?
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6 août 2015

Madagascar : faut-il en finir avec les Jeux des îles de l’océan Indien ?

Après ces jeux des îles 2015 de La Réunion, tellement honteux, et je parlerais bien de l’histoire du drapeau malgache arraché et presque jeté par terre, il faut se demander s’il est encore indispensable, voire utile d’en organiser davantage pour le futur.

C’est quoi les JIOI?

Les Jeux des îles de l’océan Indien est une compétition omnisports, des mini-Jeux olympiques regroupant les îles du sud- ouest de l’océan Indien à savoir Les Maldives, les Seychelles, les Comores, Madagascar, Maurice et la France de l’océan Indien (La Réunion et Mayotte). La première édition, sans Madagascar, s’est déroulée en 1979. Mayotte n’est entrée qu’en 2003 aux côtés de La Réunion sous le même drapeau français. Il y a en moyenne 13 épreuves qui changent toutes les éditions selon le bon vouloir des organisateurs. L’île hôtesse avantage souvent les disciplines où elle est forte et délaisse les autres où elle n’a aucune chance de médaille.

A quoi ça sert?

Et bien…bonne question.

Dans la page Wikipédia, il est dit qu’historiquement, c’est le Comité régional olympique et sportif de La Réunion qui en a eu l’initiative. Hum hum ! Mais ce n’est pas une réponse à ma question. Moi, je n’ai pas de réponse. A mon avis, avant d’organiser des trucs comme ça, il faut d’abord lui donner une philosophie, une âme. Et dites-moi si j’ai tort, les jeux des îles en manquent. On sait bien que nous sommes frères et sœurs des Maldives à Fort Dauphin. On flotte tous sur le même aquarium. Les Malgaches, les Indiens, les Africains, les Chinois ont peuplé ces îles et chacun a de la famille, des amis à La Réunion ,  Maurice,  Mayotte, Madagascar. Cela est naturel. Mais pourquoi, presque jamais, les jeux des îles sont une fête ?

Je vais emprunter le célèbre Dama de Mahaleo qui chante son idée des jeux des îles en 1990:

Hiaraka hanangana Érigeons ensemble
Tranobe iombonana Une grande maison commune
Firaisan-kina no hajoro Bâtissons sur la solidarité
Fa io no vato fehizoro Car c’est la pierre angulaire

Pourquoi la mayonnaise ne prend pas? (et solutions)

Je vais être franc pour cette partie de mon article, au risque de vous choquer. Je m’en excuse d’avance.

1- Beaucoup d’entre nous, Indianocéaniques sont encore racistes

Je le dis en ayant déjà passé du temps à La Réunion et à Maurice et en ayant parmi mes connaissances des Comoriens. Dans une de ces îles, pas plus tard que l’an passé, on a eu cette mauvaise expérience de gens à qui on demandé la route et qui au lieu de vous répondre vous regarde d’un air dédaigneux et vous tourne les talons. Un autre nous parle de Madagascar et dit que « votre problème à Madagascar, c’est la sorcellerie et en plus vous mangez du porc ». Le Malgache qui y habite nous racontait que lorsqu’il jouait au foot et qu’il se faisait durement tacler, on lui disait « fais attention, ici, c’est pas Madagascar ». Et à Madagascar, aussi, la question du racisme est encore posée, ceci un « basy atifi-kavana » (fusil qu’on pointe sur sa famille), il ne faut pas être hypocrite et dire le contraire. Ce n’est pas « on est tous racistes », mais on a toujours trop de racistes parmi nous.

La conséquence, c’est que les jeux perdent leur esprit olympique. Il ne s’agit plus de jouer, se mesurer pour savoir qui est le meilleur, mais plutôt de démontrer qui est supérieur à l’autre. La course aux médailles en devient une maladie pour certains alors que l’important c’est de participer. Il faut apaiser les passions autour des jeux des îles. Même si elles sont très importantes pour certaines îles, car c’est à peu près, le seul événement sportif où ils peuvent ratatiner d’autres pays, ce n’est pas, non plus, le toit du monde. Et même si en tant que fier Malgache, tu te fais botter les fesses par un Seychellois sorti de nulle part, par exemple, tu n’es pas, pour autant déshonoré à vie. Pourtant, il n’y a qu’à voir les noms des athlètes pour voir que le Réunionnais est en fait un Malgache ou un Mauricien; le Mahorais ou le Malgache est aussi un Comorien, et vice-versa.

https://www.zinfos974.com/photo/art/default/8102707-12634065.jpg?v=1438701917
Tout un symbole, 3 Mahorais qui brandissent un poing des black power pendant les jeux des iles de 2015 (cliquer pour accéder à la page)

 

2- La France de l’océan Indien, ça n’existe pas, ça ne doit pas exister dans ces jeux

La Réunion a été à l’initiative de ces jeux. Je loue cette initiative car, une fois de plus, il faut que tous comprennent qu’on nage dans la même piscine et qu’on a intérêt à jouer ensemble au lieu de faire comme dans certains bassins où les uns nagent tandis que d’autres jouent au ballon et d’autres flirtent et d’autres encore pissent dedans. La Réunion, territoire français, c’est vrai, devait bien se créer des compagnons de jeux parmi ses voisins, car la France se trouve à 10 000 km de là. Vous imaginez comment ce serait si un club de foot réunionnais accédait un jour à la Ligue 2 ? Un week-end de vacances à La Réunion par an pour toutes les équipes de L2. Pensez-y.

Et justement, on a appelé ces jeux : « jeux des îles » et non jeux de l’océan Indien parce que nous sommes toutes des îles, pas tous des pays, ni des nations. Depuis le début, La Réunion en tant que département français a posé un problème tant que l’on considérait les autres délégations comme étant des pays. Et le problème s’est complexifié avec l’entrée de Mayotte, île restée française des Comores. Il ne faut, donc, plus considérer les pays mais uniquement les îles. Si Mayotte gagne, que ce soit Mayotte et non la France. Si Madagascar gagne, que ce soit l’île de Madagascar et non le film. C’est pour y remédier, je pense, que la nouvelle règle, excluant drapeaux et hymnes a été adoptée cette année et a provoqué ces incidents dont je parlerai ci-dessous. Si on ne parvient pas à trouver la formule qui permettrait à Mayotte d’avoir sa propre délégation, même si ça devient un foutoir complet avec des délégations de Nosy-Be et de Rodrigues, après, le problème restera. Dans le cas contraire, on risquera, vraiment d’ouvrir la voie à la participation de la France aux prochaines Coupe d’Afrique des Nations de football, ce qui n’est pas un mal mais qu’est-ce qu’on va rigoler.

3- Madagascar s’en fout

Madagascar est un pays pauvre, parmi les plus pauvres du monde. Malgré un manque de moyens évident, je dirais que le sport ne va pas si mal. On sait bien qu’à participants égaux, en nombre, Madagascar disputera à chaque fois la première place de ces jeux. La preuve est la razzia de médailles malgaches à domicile en 1990 et 2007. Mais Madagascar snobe trop souvent ces jeux.  La vraie concurrence est entre les îles sœurs, presque jumelles des Mascareignes : La Réunion et Maurice. Ce qui importe pour la Réunion c’est de battre Maurice et ce qui est crucial pour Maurice c’est d’être devant La Réunion. Pour Madagascar, 1er, 2e ou 4e, ça ne veut rien dire, du tout. Tant que les jeux ne se déroulent pas à domicile, rien ne les annonce dans les médias malgaches. On a juste quelques résultats et c’est tout.

Pourtant, pour Madagascar, ce sont toujours des compétitions internationales. Elle peut les utiliser comme baromètre pour ses champions ou comme tremplin pour ses jeunes. Comme ils ne se déroulent que tous les 4 ans, on peut mieux se préparer et ne pas avoir des soucis, idiots, comme être bloqués à l’aéroport faute de visas, par exemple, puisque La Réunion est aussi la France, dans ce domaine. J’imagine que si Maurice où La Réunion ou pourquoi pas les Seychelles parviennent à battre une Madagascar complète et motivée, ce serait, vraiment, une info.

Ces incidents dont on parle, c’est juste idiot

Voici les exemples d’incidents qui ont émaillé cette édition.

Les Malgaches et les Comoriens ont d’abord eu des problèmes de visa. Il paraît que c’est souvent le cas pour déstabiliser les adversaires mais même si c’est écrit dans la page Wkipedia, je ne crois pas que ce soit mesquin à ce point.

Dès la cérémonie d’ouverture, les Comores n’ont pas apprécié de voir Mayotte défiler derrière le drapeau français comme en 2003 quand ils étaient dans la délégation France-océan Indien. En effet, selon la charte des jeux, Mayotte est un observateur. Les Comores se sont retirées des jeux. Cruels jeux pour les athlètes comoriens qui sont venus en retard et partis trop tôt.

Les organisateurs ont décidé, alors, d‘interdire hymnes et drapeaux afin d’éviter toute polémique, ce qui a agacé les athlètes et les spectateurs et quelques fortes têtes, autres malins ou peut-être non avertis ont décidé de braver l’interdiction. C’est ainsi que Mme P. Catherine, a voulu maladroitement appliquer cette règle à la lettre en arrachant le drapeau malgache des mains d’une médaillée d’or et en le mettant de côté (finalement, il sera rendu à l’athlète, voir la vidéo dans le lien suivant)). La vidéo ayant fait le tour du web gasy à la vitesse de son internet, Catherine, une autre qui ne comprend pas, se fait maintenant insulter de tous les gros mots malgaches connus. Ce tollé est parvenu jusqu’au ministre malgache des Sports qui a fait lui-même une condamnation de l’acte.

Ayant vu ce qui est arrivé à la Malgache, les 3 Mahorais de la photo ci-dessus ont quand même réussi à sortir le drapeau français sur le podium en le cachant dans le maillot. Geste qu’il ont conclu avec ce point levé de la photo, plus haut.

Conclusion

Bref, les jeux des îles, c’est compliqué. Madagascar doit vraiment se poser la question s’il lui faut toujours, oui ou non y participer. Moi, je pense que oui. Mais pour cela, que la participation soit forte. Il faut que l’on s’impose, depuis l’organisation à la participation jusqu’à la victoire dans les épreuves. Mais l’important, c’est de participer. Cela devra être la même motivation pour tout le monde. La Réunion et Maurice peuvent rester aussi rivales que fraternelles comme elles savent bien le faire. Les Comores doivent s’en inspirer. Les autres petites îles, même les lointaines Maldives sont déjà de très bons élèves. Elles ne se posent pas de questions. Peut-être parce qu’elles n’ont pas d’autres ambitions que de… participer.

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