Chez moi c’est…

Article : Chez moi c’est…
Crédit:
12 août 2014

Chez moi c’est…

« Chez moi, c’est… », c’est le thème du concours mondoblog 2014 qui s’est clos le 10 août 2014. Quel beau thème! J’avais les doigts qui fourmillaient à l’idée d’écrire moi-même sur ce sujet.

Mais, heureusement, j’ai déjà réussi mon concours mondoblog en 2013. J’ai, donc, attendu que le 10 août soit révolu pour me mettre à composer aussi. En écrivant, j’ai senti que ce n’est pas si facile que cela et je me délecte déjà de découvrir prochainement (octobre 2014) les futurs mondoblogueurs qui auront passé cette épreuve. En attendant, j’ai fait 3 essais que je vous rapporte ci-après.

ESSAI N°1 , Chez moi c’est … compliqué

Comment dit-on déjà de son statut quand ce n’est ni célibataire, ni en couple ? Ah oui, c’est compliqué. Moi, je vis depuis 35 ans avec mon île, Madagascar et c’est compliqué. Mais ce n’est pas vraiment sa faute, c’est surtout moi qui suis quelques fois infidèle. Quel grand mot que ce « infidèle ». Est-on infidèle à sa patrie si on voit d’autres de temps en temps ?

J’admets que parfois ce n’est pas uniquement au téléphone ou à la télé mais bien plus. Avec la télé, ça reste des images, comme avec les États-Unis par exemple.  Avec elle, c’est l’amour à distance. Enfin, moi surtout ! Il m’arrive de chanter ses chansons, de m’habiller comme elle, de manger comme elle. Quand je regarde certaines images d’elle, je me retrouve, comme si j’ai toujours été là.

Je disais, donc, qu’il m’arrive de passer à l’acte. Je profite qu’on m’envoie en mission ou bien de quelques supposées vacances pour faire des escapades. C’est comme ça que j’ai connu la France par exemple. Ah la France ! Avec elle, c’est une longue histoire… Je la connais tellement que parfois je me demande si j’ai fait le bon choix. Combien de fois on a voulu emménager ensemble. Enfin, moi surtout ! Mais c’était toujours trop compliqué, on n’a jamais été en phase. Je n’avais pas assez d’argent, pas une bonne situation,  pas de chance ou pas le courage. Mais je sais que cette attirance est dictée par mon sang. Alors, un de ces jours, qui sait ?

Donc, je peux dire que je suis avec Madagascar et elle seule, malgré tout. Je sais qu’on s’aime mais qu’il y a souvent de l’incompréhension et de l’ingratitude. Elle tarde à accomplir ses promesses et moi je ne fais pas assez pour l’encourager. Je crois que c’est de là que viennent cette envie de partir et ce besoin de rester. Mais on rêve toujours d’un avenir meilleur. Enfin, moi surtout ! Je rêve de pouvoir lui offrir tout ce qu’elle désire et de la rendre heureuse. Et elle le sait, et moi aussi, que même si je ne suis pas là, mon cœur demeure chez elle. Et c’est justement cette joie, cette sérénité qui m’envahit lors de mes retours qui me font comprendre que quoi qu’il arrive, le vrai chez moi c’est … Madagascar.

 

ESSAI N° 2 Chez moi c’est … selon

Chez moi c’est Antananarivo. Certains s’obstinent à l’appeler Tananarive, d’autres préfèrent l’abrégé « Tana » alors que le nom n’a plus aucun sens avec ces dernières orthographes. Mais ce n’est pas difficile à prononcer, il ne faut pas marquer le « An » comme dans le mot « Antan » mais plutôt lire comme « à Tananariv ». Ce nom signifie « la ville des mille ». Et c’est bien le cas.

Mille comme les dernières nuits accordées à Shéhérazade, Antananarivo possède mille lieux, mille visages, mille histoires. Elle abrite des princes et des princesses, des pauvres et des voleurs.

Du temps des royaumes, quand le roi Andrianampoinimerina a mis en place ses mille soldats pour garder la ville, il y avait des soi-disant princes et princesses, les andriana, qui régnaient ici. Mais aujourd’hui, le roi s’appelle l’argent. Ainsi, les princes et les princesses sont ceux qui en possèdent le plus. Il ne faut pas s’étonner de les entendre parler de leur vie à Tana comme d’un conte de fées. Ils vivent dans une bulle increvable. Leurs palaces gardés par les agences de sécurités sont truffés de meubles dorés et de gadgets de haute technologie. Ils sortent de là en 4×4 pour aller dans ces lieux qui leur sont réservés : écoles américaines ou françaises, restaurants, piscines, spa,  centres commerciaux. Ils vivent comme s’il étaient des riches en Europe ou aux States avec le climat tropical en prime. Et la nuit, ils rentrent dans leur château pour regarder la télé satellitaire, surfer avec la fibre optique,  et préparer le prochain week-end au bord de la mer.

A quelques mètres de là, dans Antananarivo, l’enfer, c’est ce que vit la famille d’Ernestine. Cette femme se lève très tôt le matin afin de préparer ses enfants pour l’école : se laver à l’eau froide du bidon, manger la soupe de riz avec le bout de viande fumée et partir à pied. L’école, c’est le rêve auquel elle s’accroche. Elle croit que si ses enfants parviennent à décrocher un diplôme, n’importe lequel, ils pourront s’en sortir plus tard et ils n’auront pas à vivre un calvaire quotidien comme elle. Elle va chez les patrons, elle peut tout faire : lessive, vaisselle, ménage, porteuse d’eau, garde d’enfant, tout. Et le soir, elle revient exténuée, ses enfants dorment déjà. Elle veille sur leur sommeil à cause des rats qui peuvent attaquer. Et puis, comment avoir un bon sommeil lorsqu’on est à 4, 5 ou 6 à dormir dans une seule pièce de 2 m de largeur ?

Ernestine, ou les femmes comme elle ont de la chance de ne pas être trop malade pour travailler, ni d’être en ménage avec un ivrogne qui la battra tous les soirs, ni de devoir dormir sous les ponts ou au bord des routes, ni de devoir se prostituer pour moins d’un dollar par jour, comme une pute pauvre selon les critères de l’ONU. Elle ne voit pas les princes d’Antananarivo. Pour elle, ces gens-là n’existent pas et cette indifférence est réciproque.

Et le reste :  des gens en lévitation. En effet, les Malgaches disent des gens qui sont dans la moyenne qu’ils ne dorment ni sur le lit, ni par terre. Sur la roue de la Fortune, ils seraient à 3 ou à 9 heures, et leur rêve de monter équivaut à leur peur de descendre. Ils sont adeptes du métro-boulot-dodo. Mais leur métro c’est des taxibé toujours bondés derrière lesquels il faut courir avant d’y entrer en faisant la mêlée. Leur boulot n’est jamais très formel ou n’est jamais bien payé. Et leur dodo, comme je le disais déjà, c’est le rêve de monter et le cauchemar de descendre, du soir au matin.

Mais ce ne sont que des généralités,  je dirais que chacun à son Antananarivo. Et chacun écrit son histoire, un peu comme dans les contes de fées ou les telenovelas qu’on affectionne ici. Tout le monde rêve, tout le monde cherche sa place dans ce monde. Rien n’est jamais définitivement acquis et tout reste possible. C’est cet espoir qui fait vivre car sans elle, mieux vaut ne plus exister. Que tu sois un prince ou un esclave, l’essentiel c’est de continuer à rêver.

 

ESSAI N°3 : Chez moi c’est … plusieurs

Le psychiatre me qualifierait de schizophrène. Mais non, je ne suis pas malade ! Si quand même, un peu, on est tous malades sinon qui oserait dire qu’il est 100 % en bonne santé ? Mais je ne suis pas schizophrène, c’est juste que je n’ai jamais voulu choisir. Quand on a des passions aussi nombreuses qu’importantes et quand on est bien conscient qu’on n’ a qu’une seule vie à passer sur cette Terre, comment fait-on pour choisir? Comment peut-on laisser, abandonner une activité que l’on affectionne sans éprouver des regrets ? Alors, je ne veux pas choisir, moi !

Il y a juste des inconvénients. D’abord, lorsque je rencontre dans la rue une personne et qu’elle commence à parler en continuant une conversation d’il y a 3 ans, par exemple. Là, il faut que je me remémore le lieu, l’endroit et les circonstances afin de pouvoir comprendre ce qu’on me dit. Est-ce que ce monsieur me connaît en tant que banquier, musicien ou blogueur ? Car selon le cas, le document qu’il me demande peut désigner des trucs très différents. Où bien, est-ce qu’il me connaît uniquement en tant que traducteur ou prof de musique ? Il m’appelle Chef,  chef de chœur, chef scout? Il n’est pas de la famille de mon père ? de ma mère ? de ma femme peut-être ? « En fait, Monsieur, je ne crois pas vous connaître en fin de compte« . C’est une histoire vraie, mais je ne lui ai pas dit la dernière phrase… je l’ai dite à moi-même après avoir pris congé. Car peut-être que le monsieur me connaît mais moi je me suis un peu perdu de vue.

Ensuite, avoir plusieurs vies c’est bien sauf qu’en termes de temps, on n’en a qu’une seule : on naît une fois et on meurt une fois. Einstein a dit que le temps est flexible, mais je sais bien que pour le ralentir, il faut aller très très vite. Et ça, c’est extrêmement fatigant.

Alors, si tu me demandes comment c’est chez moi… à l’intérieur, je ne saurais pas vraiment te dire car moi aussi je me cherche. Je pourrais répondre n’importe quoi mais ça ne sera qu’un reflet plus ou moins fidèle. Par exemple, je dirais que chez moi c’est… un feu d’artifice ! C’est à toi d’en découvrir les formes et les couleurs.

 

Partagez